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La nuit de l'ile d'Aix

La nuit de l'ile d'Aix

Titel: La nuit de l'ile d'Aix Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gilbert Prouteau
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qui doit me fixer le rendez-vous à leur dépôt de Marennes.
    —  Le plus tôt sera le mieux, et maintenant je vais vous parler d’un autre chargement qui peut vous rapporter bien davantage.
    —  Un autre chargement   ? dit Besson surpris, mais d’après mon contrat toutes les cuves seront pleines à ras bord.
    —  Sauf deux, dit le vénérable de l’Aimable Concorde.
    —  Je ne comprends pas...
    —  Vous allez comprendre. Le roi Joseph sort d’ici... Vous savez que trois navires anglais bloquent les pertuis.
    —  Oui, je sais, oh   ! ce n’est pas un obstacle insurmontable.
    —  Mais le commandant Philibert refuse le combat.
    —  C’est un lâche, dit Besson.
    —  C’est un royaliste.
    —  Pour moi c’est la même chose.
    Pelletreau réprime un bref sourire.
    —  Alors nous avons pensé qu’on pouvait faire passer l’Empereur à bord d’un de vos bateaux, caché dans la cale. Les Anglais n’y verraient que du feu.
    —  Mais on ne peut pas respirer dans ces cuves   !
    —  C’est pourquoi il faudra les aménager.
    —  Emmener l’Empereur, quelle responsabilité   ! Mais il faut que j’en parle à ma femme, les bateaux sont la propriété de mon beau-père.
    —  Allez en parler à votre femme et revenez me voir à 7 heures. Je ne serai pas seul.
    —  Qui sera avec vous   ?
    —  Un représentant de l’Empereur.
    La préfecture maritime était ceinte d’une galerie circulaire à toit de verre et balustres de fer forgé qui courait le long des murs comme un chemin de ronde élargi en véranda. Cette galerie était la promenade favorite de l’Empereur.
    Et déjà la foule s’amassait devant la préfecture pour le simple plaisir de voir passer l’habit vert, la culotte de nankin, le chapeau rond {67} . Il marchait, pensif, les mains au dos, la tête penchée, étranger aux rumeurs et aux vivats {68} . Ce soir-là, la foule découvrit et acclama le roi Joseph qui partageait la promenade du souverain.
    —  Tu sais à quoi je pense, Joseph   ? À une autre promenade que nous avons faite ensemble il y a vingt ans. Tu habitais le château de Mortefontaine.
    —  Oui, et tu m’avais amené les émissaires américains...
    —  Depuis que j’ai décidé de partir aux États-Unis, ce sont les souvenirs américains qui m’envahissent. Et cette année-là nous étions en guerre depuis bientôt deux ans contre les États-Unis. Monrœ appelait ça « Underwar ». J’étais hostile à cette guerre. Et les Américains envoyaient des délégations qui se cassaient le nez auprès du Directoire.
    —  C’était venu comment cette drôle de guerre   ?
    —  Jay {69} avait signé un traité avec les Anglais où il était stipulé qu’en aucun cas les États-Unis ne s’engageraient aux côtés de la France. Et des privilèges économiques et commerciaux étaient consentis à la Grande-Bretagne.
    —  C’était une trahison, dit Joseph.
    —  Oui, en regard de leurs engagements solennels. Alors nous avons exigé le remboursement de nos dettes de guerre. Et comme ils faisaient la sourde oreille, j’avais laissé entendre mi-sérieux, mi-plaisant, que nous pourrions aller nous rembourser à domicile. Et je leur ai rappelé que le succès du corps expéditionnaire de Rochambeau avait démontré la facilité pour la France de débarquer cinquante mille hommes sur les côtes américaines.
    —  Et comment ont-ils réagi   ?
    —  Révulsés. Des visages paniqués, protestant, suppliant, jurant l’indéfectible amitié du peuple américain, leur amour de la liberté, les liens inaltérables, etc. Le Directoire les a entretenus pendant deux ans dans ce mythe du débarquement. On leur disait   : Bonaparte prendra le commandement de l’armée d’invasion. Comme en Égypte. Alors ils ont préparé leurs milices, leurs bateaux, leurs corsaires. En fait ils s’étaient préparés à mourir. Dès que j’ai été nommé Premier Consul, j’ai décidé de mettre fin aux hostilités. Le président John Adams m’avait écrit pour me demander de recevoir ses envoyés. Depuis deux ans les Directeurs les faisaient lanterner dans les antichambres. J’ai décidé de les honorer d’une fête.
    —  Oh   ! je me souviens très bien   ; tu m’as dit   : « Joseph, pour le moment, il faut la paix avec tout le monde. Pour que les Américains se sentent ici en famille, nous allons les recevoir chez toi. » Il y avait Monrœ, Madison, Barlow, des femmes. Tu avais fait venir

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