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La nuit de l'ile d'Aix

La nuit de l'ile d'Aix

Titel: La nuit de l'ile d'Aix Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gilbert Prouteau
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de l’Aunis, le ministre Decrès qui n’aimait pas Martin le renvoya dans ses terres.
    En juillet 1815, dès qu’il apprit l’arrivée de Napoléon à Rochefort, Martin se présenta à la préfecture maritime. L’amiral avait hérité de la forge paternelle de Louisbourg (Canada) des poings pesants comme des enclumes, des paumes gercées de ferreur de mustang, des épaules de portefaix et une voix sonore comme un soufflet à braise. Redouté pour sa force et vénéré pour son courage, tanné et couturé par vingt ans de mers et d’abordages, il avait le geste lent, le parler rude et le verbe éclatant. Et une peau boucanée où s’étaient fondus le cuivre des quarts et la couperose des escales.
    Sitôt qu’il l’aperçut, M. de Bonnefous leva les bras au ciel.
    —  C’est Dieu qui vous envoie, amiral, je vais vous conduire à l’Empereur.
    Comme Martin ne s’embarrassait guère de formules courtisanes, qu’il était aussi abrupt dans son langage que rustaud dans ses manières, il déclara au préfet   :
    —  Je suis venu pour l’aider. Et aussi pour lui briser ce que j’ai sur le cœur.
    L’Empereur inspectait Martin des pieds à la tête   : ses épaules de bahut, ses poignets de gorille, le poil dru sur la boule grise du menton. Et cette stature de lutteur de foire...
    —  Bonjour, Martin, je suis content de vous revoir. D’autant plus content que je vous retrouve tel qu’il y a dix ans... Et tourné vers le préfet   : Il y a vingt ans que je connais Martin. Quand je commandais l’artillerie de l’armée des Alpes, il était à l’escadre de la Méditerranée. Je peux vous poser une question, Martin   : quand on est doté d’une telle santé, pourquoi demander sa retraite à la force de l’âge ?
    Martin serre les poings. Mâchoires bloquées, il ravale sa salive.
    —  Sire, si vous me raillez, je trouve cette raillerie amère. Si c’est une erreur, permettez-moi...
    —  Quelle erreur   ? Vous avez bien sollicité d’arrêter votre carrière en 1809 ? Et quand je vous avais désigné pour prendre le commandement de l’armée navale, vous avez refusé ?
    Martin bouillant, Martin tremblant, Martin grinçant   :
    —  Sire, je n’ai jamais eu le loisir de refuser ce commandement pour la simple raison qu’il ne m’a jamais été offert. Et que c’est M. Decrès qui a imposé Villeneuve. Vous connaissez la suite.
    —  Quelle suite   ?
    —  Trafalgar. Or nous devions gagner ce combat. Je n’ai jamais compris comment Villeneuve s’était laissé ferrer comme un poisson d’estuaire...
    Napoléon préféra éluder le débat sur Trafalgar.
    —  Lorsque j’ai voulu vous nommer au commandement de l’armée navale à Cadix, Decrès s’est violemment opposé à moi. En 1810, j’ai encore cédé à ses instances, mais il m’a assuré qu’il ne faisait que ratifier votre choix. Que vous étiez déprimé. Il m’a bien trompé sur votre compte et singulièrement sur votre état de santé. Pourquoi cet acharnement ?
    L’amiral haussa ses épaules épaisses, il bougonna   :
    —  C’est une sorte de revanche. J’ai eu Decrès sous mes ordres   ; c’était un officier médiocre, poltron, sans envergure, je l’ai sanctionné à plusieurs reprises. Vous en avez fait un ministre de la Marine, il s’est révélé aussi médiocre assis à son bureau que debout sur sa passerelle. Decrès ministre a voulu venger l’affront fait à Decrès capitaine. Mais Decrès a fait pire   : pour voiler sa responsabilité dans l’Affaire des brûlots qui a porté un coup mortel à notre marine, il a commis un crime.
    —  Un crime   ?
    —  Oui, le capitaine Lafon, accusé d’avoir abandonné son vaisseau en présence de l’ennemi le 12 août, a été condamné à mort par cinq voix contre quatre. Fusillé le 5 septembre à bord du vaisseau amiral. Judiciairement assassiné. C’est Decrès qui méritait le peloton.
    Napoléon demeurait sans réponse.
    —  Amiral, intervint M. de Bonnefous, j’ai tout lieu de penser que si vous êtes venu spontanément à nous, ce n’est pas pour faire le procès de M. Decrès, mais pour contribuer au salut de l’Empereur.
    —  Bien sûr, bougonnait Martin.
    —  Sa Majesté a décidé de créer un Conseil d’amirauté pour examiner toutes les possibilités de départ.
    —  J’y pense depuis huit jours, dit Martin.
    —  Alors, voulez-vous présider ce Conseil   ?
    —  Sire, c’est un grand honneur pour moi.
    Le

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