Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
La nuit de l'ile d'Aix

La nuit de l'ile d'Aix

Titel: La nuit de l'ile d'Aix Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gilbert Prouteau
Vom Netzwerk:
que je reçoive des notes de l’amiral. Je vais vous lire les extraits qui me semblent dignes de retenir votre attention   :
    Des informations concernant les projets de fuite de Bonaparte, il est impossible de savoir quelle est la bonne   : il convient donc d’accorder à toutes quelque crédit. J’ai reçu ce matin celle qui détermine mon action présente   : elle émane du chef des royalistes entre la Loire et la Vilaine.
    Si les navires qui se trouvent à l’île d’Aix vous donnent l’opportunité de les combattre simultanément, le Bellerophon est de taille à leur tenir tête   ; mais, si ces frégates se séparent, vous ne pourrez les arrêter toutes deux...
    Le capitaine Maitland reposa le papier, ralluma pensivement sa pipe.
    —  Vous avez bien entendu   : vous ne pourrez pas les arrêter toutes les deux. Si je peux me permettre une confidence, messieurs, je n’avais pas besoin du constat de Sir Henry pour souligner cette évidence. J’en arrive à une lettre qui m’est parvenue il y a deux jours.
    “Ce matin, j’ai été informé que Napoléon Bonaparte a pris, croit-on, la route de Paris à Rochefort afin de s’embarquer en ce port pour les États-Unis d’Amérique   ; je vous invite à faire toute diligence pour l’empêcher de s’enfuir à bord d’une des frégates mouillées sous l’île d’Aix. Dans ce dessein, et nonobstant tout ordre antérieur, vous retiendrez toute frégate qui pourrait se trouver avec vous au moment où vous recevrez cette lettre ; vous la garderez avec votre navire pendant dix jours afin de pouvoir arrêter les deux frégates françaises si elles prennent la mer de conserve.”
    Ce qui signifie en clair que l’un de vous doit rester avec moi au large de Chassiron. Nous en repartirons en fin de Conseil. Voilà les journaux de Paris dont je vous recommande la lecture. Ils ont été acheminés par un chasse-marée, tenez, vous pouvez en disposer. L’amiral me dit... Voyons   : “Je vous envoie quatre journaux français pleins d’intérêt. Vous verrez que tout a été envisagé et exécuté afin d’assurer l’évasion de Buonaparte   ; vous lirez que le ministre de la Marine a reçu des instructions pour préparer à cet effet des bâtiments de guerre, que ceux-ci ont été mis à la disposition de Buonaparte   : en particulier, deux frégates   ; et aussi, que son départ de Paris le 29, à 4 heures, a été annoncé aux deux capitaines de la Saale et de la Méduse...”
    Maitland reposa le message et reprit en détachant les mots   :
    —  La Méduse, la Saale... savez-vous pourquoi ces deux frégates mouillent depuis des semaines à Rochefort   ? Non, eh bien, moi je sais. Et je vais vous l’apprendre. C’est un rapport secret parvenu à l’Amirauté le 15 juin, donc avant Waterloo. Napoléon les a armées en guerre, celles-là et quelques autres, pour entreprendre une campagne d’Amérique destinée à libérer et annexer les anciennes colonies françaises.
    —  Et pourquoi ne sont-elles pas sorties   ? demanda Sartorius.
    —  Parce que la guerre en Belgique a ajourné leur départ. Et parce qu’elles attendaient un ordre précis de prendre la mer. Avec d’autres du même tonnage, et pour le même objectif. Comme la Bayadère et l’Infatigable, pour ne citer qu’elles. Je vous ai donc réunis pour faire le point d’une situation extrêmement délicate. Dans les jours qui suivent va se jouer une partie décisive pour la grandeur de l’Angleterre et pour la paix du monde. Cette partie, c’est nous, et nous seuls qui allons la jouer.
    Il s’agit de jouer serré. Je connais bien ce pays puisque je faisais partie de l’escadre de l’amiral Gambier qui a anéanti la flotte française au mouillage à l’île d’Aix en 1808. Je commandais la frégate Esmeralda. Je n’avais pas apprécié cette méthode de balistique anonyme. La flotte française comptait onze vaisseaux de ligne. Notre escadre soixante-seize bâtiments, onze vaisseaux, seize frégates, deux corvettes. Il aurait été plus honorable de les prendre à l’abordage ou de les envoyer par le fond avec nos bouches à feu, que de les exterminer de loin sans risques et sans courage. Aujourd’hui ce n’est pas aussi simple qu’une bataille navale. D’ailleurs si cette bataille se livrait demain, nos chances seraient réduites. Les mises en garde de Sir Henry sont toutes du même tonneau, on dirait qu’il moud un orgue de Barbarie   : Il faudra que vous soyez

Weitere Kostenlose Bücher