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La nuit de l'ile d'Aix

La nuit de l'ile d'Aix

Titel: La nuit de l'ile d'Aix Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gilbert Prouteau
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encore quelques efforts et la Coalition est dissoute. Napoléon vous reconnaîtra aux coups que vous allez porter. Sauvez l’honneur, l’indépendance des Français, soyez jusqu’à la fin tels que je vous ai connus depuis vingt ans, et vous serez invincibles. »
    Et comme la leçon de Pérusse sonne encore à ses oreilles, il signe simplement   : Napoléon sans prévoir le sort de son texte que Fouché va escamoter au passage et glisser dans un tiroir.
    La dernière proclamation de l’Empereur à l’armée était lettre morte avant d’être parvenue à ses destinataires, et devenait pièce d’archives avant d’avoir vu le jour.
    Il dîna seul et rejoignit Beker qui partageait le souper d’Hortense.
    La viole voilée de la cascade s’accordait aux oiseaux de la nuit. Il avançait à pas comptés dans l’allée, s’enfonçait dans les ténèbres transparentes où le silence craquait aux ramures des cèdres. Un silence nourri de ferments obscurs, de secrètes germinations, un silence vivant comme celui des grains de blé enfouis dans les tombeaux.
    La nuit passait au fusain les coteaux de la Seine. De lointaines lumières piquaient sur les forêts leurs diadèmes de vers luisants.
    Il s’arrêta sous la voûte entre les feuillages de laque noire et les plumages de corail des arbres des tropiques. Il regardait briller les filons de mica du gravier où tant de pas s’étaient imprégnés, creusés, effacés. C’était dans ce jardin que tout avait germé, éclos   : l’amour, la gloire, la haine. Les métamorphoses du siècle, le marcottage de l’Histoire avaient mûri entre les trémières et les bengales de Joséphine.
    Ici il avait pris le bras de Talleyrand, là il avait expliqué à Fouché... Fouché, Talleyrand... Talleyrand, Fouché... Le premier l’avait déjà trahi, le second s’apprêtait à le livrer.
    En demandant les sauf-conduits à Wellington, il le livrait à la flotte anglaise.
    L’Empereur remonta pensivement dans sa chambre, prit Humboldt, le parcourut sans le lire.
    —  Entrez. C’était Hortense en toilette de nuit.
    —  Vous n’avez besoin de rien, sire   ?
    —  Si, j’attendais votre visite.
    —  Vous allez dormir, j’espère.
    —  D’abord je vais lire. Regardez ce livre de Humboldt. Il me passionne, je ne le quitte guère. J’imagine une nouvelle carrière, non plus de soldat, mais de savant. Allez dormir, la journée de demain sera dure pour nous tous...
    Ses conversations avec Lafïitte et Beker chauffaient son imagination et orientaient ses lectures et ses rêves vers les mystères des peuplades primitives et les secrets des temples engloutis.
    Le livre était resté ouvert au chapitre « La conquête des âmes   ».
    « La voix de l’Évangile n’est écoutée, dit naïvement un jésuite de l’Orénoque dans les Lettres édifiantes, que là où les Indiens ont entendu le bruit des armes, el eco de la polvora. La douceur est un moyen bien lent. En châtiant les naturels, on facilite leur conversion. »
    Il relut à haute voix « la douceur est un moyen bien lent. En châtiant les naturels on facilite leur conversion ».
    « Mais les entradas, les conquêtes spirituelles à l’aide des baïonnettes, étaient un vice inhérent à un régime qui tendait à l’agrandissement rapide des missions. »
    Il souligna la phrase et referma l’ouvrage   : « Remplacez le mot mission par le mot royaume, et vous retrouverez un vice inhérent à tous les régimes de l’Histoire. »

 
    Journée du 26 JUIN
    « Je trouvais appui dans le grand caractère de ma mère, car elle me parlait de l’appui consolateur qu’elle trouvait en moi. »
    N APOLÉON
    « Paris, le 26 juin 1815
    La Commission du Gouvernement Arrête ce qui suit   :
    Art. 1 er
    Le ministre de la Marine donnera des ordres pour que deux frégates du port de Rochefort soient armées pour transporter Napoléon Bonaparte aux États-Unis.
    Art. 2
    Il lui sera fourni, jusqu’au point de l’embarquement, s’il le désire, une escorte suffisante sous les ordres du lieutenant-général Beker, qui est chargé de pourvoir à sa sûreté. »
    L’Empereur s’est levé à l’aube. En robe de chambre, mains au dos, ruminant mille pensées bouillonnantes il parcourt le parc et s’attarde sous l’ombre veloutée du magnolia. Une averse de nuit, tiède et légère, s’attarde encore aux annelures des saules. Il a respiré longtemps les odeurs vertes et mouillées qui montent des pelouses à

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