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La nuit de l'ile d'Aix

La nuit de l'ile d'Aix

Titel: La nuit de l'ile d'Aix Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gilbert Prouteau
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découvertes dignes de moi. Il me faut un compagnon qui me mette d’abord et rapidement au courant de l’état actuel des sciences. Ensuite nous parcourrons ensemble le Nouveau Continent depuis le Canada jusqu’au cap Horn, et dans cet immense voyage nous étudierons tous les grands phénomènes de la physionomie du globe.
    Monge avait changé de visage. À la stupeur faisait place l’émerveillement.
    —  Sire, votre collaborateur est tout désigné. Je m’inscris. Vous vous souvenez de nos dialogues sur l’Égypte le long du Nil ?
    —  Comment les oublier   ?
    —  Nous les reprendrons sur l’Amazone.
    M. de Montholon entra dans la chambre de sa femme, referma la porte sur lui. Il s’adossa à la porte, il ne cherchait pas à cacher son émotion.
    Laure Albine se redressa effrayée.
    —  Que se passe-t-il, mon ami   ?
    —  L’Empereur m’a fait venir chez lui et il m’a dit   : « Eh bien, Montholon   ! vous êtes toujours là   ? —  Sire, il le faut bien, tous vos officiers sont occupés. —  Ah oui   ! et dans quelques jours ce sera comme à Fontainebleau. »
    Il me contemplait pensivement, et il finit par dire   :
    —  Je vais partir. Tout le monde m’abandonne. Vous m’abandonnerez vous aussi. J’ai répondu d’un seul cri   : Non, sire.
    —  Vous me suivrez donc   ?
    —  Oui, sire.
    —  Je vais emmener Gourgaud, Las Cases, Bertrand. Vous viendrez aussi, nous verrons ensemble pour les détails pratiques. Votre femme, si elle ne peut pas partir avec nous, viendra nous rejoindre... Hortense aussi nous rejoindra avec ses enfants, sa présence égaiera notre séjour. Les femmes sont l’âme des conversations. » Voilà ce qu’il m’a proposé. J’ai pensé qu’il fallait que vous connaissiez ma décision. Et j’aimerais connaître la vôtre.
    Laure Albine jeta ses bras au cou de son mari.
    —  Ce que vous avez fait est si bien que je ne pourrais vous blâmer.
    —  Mais vous viendrez avec nous. Je ne puis vous laisser derrière moi dans un pareil moment.
    —  Et les enfants   ?
    —  Nous emmènerons l’aîné. Pour le bébé, à huit mois il n’est pas armé pour une pareille aventure. Nous le laisserons à ma sœur... Il faut que je vous dise, vous n’avez que deux heures pour faire vos préparatifs de départ. Il est possible que nous quittions Malmaison dans la nuit. Ceux qui suivent doivent être prêts. »
    Au réveil, Mme de Montholon croisa Flahaut dans la salle de billard et lui confia d’un trait son entretien de la nuit.
    —  Alors, vous partez   ?
    —  Je dois suivre mon mari.
    —  Vous ne savez donc pas que si un vaisseau anglais veut s’emparer de l’Empereur vous risquez un combat. Et de sauter.
    —  Eh bien, je sauterai, dit-elle à l’étourdie.
    Quand Flahaut l’eut quittée, elle tourna et retourna dans sa tête la menace mortelle. L’écharde était entrée dans la chair. Elle allait s’incruster et s’infecter.
    En ce matin du 26 juin, M. le ministre Decrès écrit comme chaque jour à Bonnefous et lui transmet les arrêts de la Commission avec un commentaire approprié.
    « Le baron Decrès, ministre de la Marine
    À M. de Bonnefous, préfet maritime — Rochefort.
    Les événements qui se sont passés sur les frontières du nord ont accru les dangers de la Patrie. Notre indépendance est menacée et nous ne pouvons la conserver qu’en opposant à l’ennemi un concours unanime d’efforts et de sentiments.
    Déjà les représentants de la Nation ont appelé sous les drapeaux tous les Français en état de porter les armes.
    Hâtons-nous de répondre à cet appel que les circonstances ont rendu si nécessaire   ; que tous les hommes jeunes et valides présents encore dans les quartiers reçoivent de nouveau l’injonction de se rendre au chef-lieu de l’arrondissement ; placez-les dans les corps organisés. Faites-leur délivrer des armes et inspirez à chacun d’eux l’ardeur qui doit animer tous les Français dans ce moment de crise. »
    La plupart des acteurs, des maquilleurs et des figurants que nous croisons tout au long de cette tragédie appartiennent à une des variétés les plus méprisables de l’espèce   : les carriéristes. Leur comportement est modelé par les circonstances. Ils épousent selon les jours et les événements les nécessités et les reniements que leur impose le pouvoir en place. Ils se sont façonné un mental de porte-coton. Ils sont de la race innombrable qui

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