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La nuit de l'ile d'Aix

La nuit de l'ile d'Aix

Titel: La nuit de l'ile d'Aix Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gilbert Prouteau
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s’effondrait. Il était sans forces. Pas même la force de répudier celle qui lui avait offert l’enfant du mirage. Il la suppliait de venir le rejoindre...
    « J’ai besoin de toi... » Bien sûr elle allait traduire en riant   : j’ai envie de toi. Et elle saurait désormais qu’elle pourrait tout oser et que s’il avait accepté la fausse grossesse, il pardonnerait aux vraies coucheries.
    C’est en cachetant cette lettre qu’il avait cassé la glace de la miniature représentant Joséphine. Il avait affreusement pâli, il avait dit à son aide de camp qui attendait le courrier   :
    —  Marmont, ma femme est malade. Ou elle me trompe...
    Lorsqu’elle est arrivée enfin, il l’a entraînée vers la chambre somptueuse qu’il a fait décorer pour elle. Et pendant deux jours et deux nuits d’affilée il lui a fait l’amour. En sonnant de temps en temps pour les repas de la belle endormie. Et l’armée d’Italie avait dû attendre, l’arme au pied, que la fringale amoureuse de son général en chef fut apaisée.
    Il reposa lentement les lettres, renoua pensivement le ruban et les glissa dans le tiroir. Il resta un moment planté devant le meuble sans voix, les bras ballants. Il promena un regard vide sur ce théâtre d’ombres dont il était le spectateur unique. L’amour révolu, l’enfant évaporé, Joséphine enterrée. Et Bonaparte, le fantôme de sa jeunesse.
    « J’étouffe... » Il marcha jusqu’à la fenêtre.
    ... Quel âge aurait-il aujourd’hui cet enfant, dix-sept ans, dix-huit ans   ? Mon âge à Valence... Et comme il repoussait les volets, il vit au bout de l’allée un adolescent bouclé et gracieux qui avançait vers la maison. Il se frotta les yeux   : qui est-ce   ? Ce n’est pas Louis Napoléon {40} . Celui-là est bien plus grand...
    Cet enfant rose et blond qui s’avance au détour de l’allée en prenant la main de son précepteur, est-ce encore un mirage de Schönbrunn   ?
    —  Ali, Ali...
    —  Sire   ?
    —  Va dire à la reine Hortense de me rejoindre dans le jardin {41} .
    —  Hortense, regardez cet enfant, à qui ressemble-t-il   ?
    —  C’est votre fils, sire, c’est le portrait du roi de Rome.
    —  Vous trouvez   ? Il faut donc que ce soit. Moi qui ne croyais pas avoir le cœur tendre, cette vue m’a ému. Vous paraissez instruite de sa naissance. D’où la connaissez-vous ?
    —  J’avais entendu parler, peut-être par Caroline, du fils que vous avait donné Éléonore Denuelle. Le public en a beaucoup parlé et cette ressemblance me prouve qu’il ne s’est pas trompé.
    —  J’avoue que j’ai longtemps douté qu’il fût mon fils. Cependant je le faisais élever dans une pension de Paris, l’homme qui s’en était chargé m’a écrit pour connaître mes intentions sur son sort ; j’ai désiré le voir, et comme vous, sa ressemblance avec mon fils m’a frappé.
    —  Qu’allez-vous en faire   ? Sire, je m’en chargerais avec plaisir, mais ne pensez-vous pas que ce serait peut-être donner sujet à la méchanceté de s’exercer contre moi ?
    —  Oui, vous avez raison. Il m’eût été agréable de le savoir auprès de vous, mais on ne manquerait pas de dire qu’il est votre fils. Lorsque je serai établi en Amérique, je le ferai venir {42} .
    « Mais vous aussi, Hortense, vous pourrez venir me rejoindre. Ce sera la seule position de vos enfants, car si les Bourbons reviennent sur le trône, ils y resteront plus longtemps qu’on ne croit.
    « Quand je serai en Amérique   » est devenu le leitmotiv de sa conversation.
    L’Empereur a passé sa nuit avec Humboldt et s’est enfoncé sous les lianes de la forêt équatoriale à la recherche d’un Graal inconnu.
    La Valette qui a vainement tenté de réveiller Fouché revient à Malmaison. Il est 2 heures du matin. Napoléon est « plongé dans son roman ». Il reçoit La Valette au lit.
    —  C’est bien, j’irai aux États-Unis. Là-bas on m’offrira des terres. Ou j’en achèterai. Je finirai par où l’homme commence. Je vivrai du produit de mes champs et de mes troupeaux.
    —  Ils forceront les Américains à vous livrer, du moins à vous chasser du territoire.
    —  Eh bien, j’irai au Mexique. J’y trouverai des patriotes et je me mettrai à leur tête.
    —  Votre Majesté oublie qu’ils ont des chefs. Et les chefs des indépendants forceront Votre Majesté à chercher ailleurs.
    —  Eh bien, je les laisserai là. Et j’irai à

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