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La nuit de l'ile d'Aix

La nuit de l'ile d'Aix

Titel: La nuit de l'ile d'Aix Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gilbert Prouteau
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amie ? Qu’est-ce qui peut t’inquiéter ?... Bientôt tu vas donner la vie à un autre être qui t’aimera autant que moi. Non, ce n’est pas possible, mais autant que je l’aimerai. Tes enfants et moi nous serons sans cesse autour de toi, pour t’entourer de nos soins et de notre amour. »
    « Milan, le 4 prairial
    ... Ah ma belle amie, aie bien soin de toi ; sois gaie, prends souvent du mouvement, ne t’afflige de rien   ; n’aie aucune inquiétude sur ton voyage   ; va à bien petites journées. Je me figure sans cesse te voir avec ton petit ventre   ; cela doit être charmant. Mais ce vilain mal de cœur, est-ce que tu en as encore   ?
    Adieu, belle amie   ; pense quelquefois à celui qui pense sans cesse à toi.
    Adresse   : À la citoyenne Bonaparte, rue Chantereine n° 6 à Paris. »
    « Vérone, le 3 frimaire an V de la République une et indivisible Bonaparte, général en chef de l’armée d’Italie
    À Joséphine
    Quel peut être ce merveilleux et nouvel amant qui absorbe tous vos instants, tyrannise vos journées et vous empêche de vous occuper de votre mari   ? Joséphine, prenez garde, une belle nuit, les portes enfoncées et me voilà dans votre lit. Vous savez le petit poignard d’Othello   !
    En vérité, je suis inquiet, ma bonne amie, de ne pas recevoir de tes nouvelles, écris-moi vite quatre pages de ces aimables choses qui remplissent mon cœur de sentiment et de plaisir. J’espère qu’avant peu je te serrerai dans mes bras et je te couvrirai d’un million de baisers brûlants comme sur l’Equateur et comme lorsque l’on approche du grand cercle de la sphère...
    Un petit baiser bien appliqué au petit coquin. Mille baisers sur tout toi. »
    « 15 pluviôse -Forli
    Je t’adore et te donne mille baisers et au petit Oscar, et à la petite Moyna, sans oublier la petite Quiquette {39} .
    B.P. »
    Il effeuillait au hasard des bribes de confidences brûlantes que le temps avait faites lettre morte. Les ivresses de la guerre et les vertiges de l’amour avaient à jamais perdu leur sens.
    « An IV [1797] 1 er ventôse [19 février] – Tolentino
    ... La paix avec Rome vient d’être signée. Bologne, Ferrare, la Romagne sont cédées à la République. Le pape nous donne trente millions dans peu de temps et des objets d’art... »
    « 21 floréal — Genève
    ... Mille choses aimables à la petite cousine, recommande-lui d’être bien sage, entends-tu   ? »
    « 19 brumaire — Vérone
    ... L’ennemi est battu à Arcole. Demain nous réparons la sottise de Vaubois qui a abandonné Rivoli. Mantoue dans huit jours sera à nous, et je pourrai bientôt dans tes bras te donner mille preuves... »
    « ... et puis ta maladie, et puis ce petit enfant qui se remuait si fort qu’il te faisait mal ?... un baiser sur la bouche, un autre, sur ton cœur, et un autre sur ton petit enfant. »
    Les lettres dansaient devant lui. Il reprit à voix haute   : « Un baiser sur ton cœur et un autre sur ton petit enfant. » En avait-il rêvé de cet enfant... Chaque soir sous la tente, il s’efforçait de retarder le sommeil pour susciter son image. Il l’entendait gazouiller. Il se voyait, lui, dans les allées, penché sur le landau. Plus tard, allongé sur l’herbe du parc de Malmaison, il lui montrait les grandes cages où s’ébattaient les perruches et les colibris, tout ce tourbillon sonore des oiseaux des îles de Joséphine...
    —  Mon fils... il sera beau et fort... Mon fils, je lui léguerai les clefs du royaume. Il sera mon espoir et mon avenir...
    Et à Arcole, à Venise, à Lodi, dans la fumée des combats, un sourire flottait entre les morts, le sourire de l’enfant à venir.
    Ah   ! Joséphine, Joséphine, ce petit garçon, comme nous allons l’aimer, nous en ferons un dieu...
    « 28 nivôse — Roverbella
    ... J’ai battu l’ennemi, Kilmaine t’enverra la copie de la relation... Je suis mort de fatigue. Je te prie de partir de suite pour te rendre à Vérone. J’ai besoin de toi, car je crois que je vais être bien malade. Je te donne mille baisers. Je suis au lit. B.P. »
    C’était fini. Après s’être révolté contre l’idée de la duplicité il avait fini par se résigner à être dupe. Cet enfant était un mythe, Joséphine s’était jouée de lui une fois encore. Cet enfant, lui seul l’avait porté, caressé entre les jours de bataille et les nuits d’insomnie. Le rêve s’était brusquement effondré. Lui aussi

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