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La nuit de l'ile d'Aix

La nuit de l'ile d'Aix

Titel: La nuit de l'ile d'Aix Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gilbert Prouteau
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défaite, la vie et la mort, la chute des feuilles et la chute des femmes. Ainsi en amour, on croit aimer une femme, alors qu’on n’aime qu’un moment d’un être. Dans n’importe quelle entreprise humaine il y a un moment où les astres et les dieux conjuguent leurs rayons et leurs pouvoirs pour créer l’ouverture, l’occasion, l’instant propitiatoire. En ce qui concerne les États-Unis, ce moment est venu pour moi...
    —  Pourquoi aujourd’hui, sire   ?
    —  Parce que les Anglais ont profité de mon exil à l’île d’Elbe pour renforcer leurs troupes au Canada. Ils ont envahi les États-Unis, ils ont massacré, brûlé, pillé Washington. Le président Madison a dû se jeter dans les colonnes de réfugiés pour échapper de justesse aux soudards. Ils ont brûlé le Sénat, brûlé les casernes, brûlé les chantiers, les bibliothèques, l’Imprimerie nationale. Ils ont fait un feu de joie sur les ruines de la Maison Blanche, ils ont fait sauter les poudrières, les bateaux sur le Potomac et fait jeter vingt mille fusils à la mer, puis ils se sont enfuis après avoir massacré les habitants, il y aura un an le 23 août.
    Et savez-vous qui a décidé du sort de la plus grande bataille de la guerre   ? Un pirate français. Le plus surprenant pirate de l’histoire du monde   : Jean Lafitte. Dans le delta du Mississippi, il a fait fortifier une île marécageuse, Barataria, entre les layons et les canaux. Son artillerie était dissimulée sous des lianes. Le général Jackson, lorsqu’il vit ses défenses démantelées par les Anglais implora le secours des pirates. Et la flotte anglaise s’engagea vers Barataria. Le combat a duré une nuit. Au petit matin les Anglais se retiraient avec quelques navires démâtés. Deux mille cadavres d’habits rouges flottaient sur les lagons de l’estuaire. Le pirate Jean Lafitte et sa troupe de boucaniers avaient sauvé La Nouvelle-Orléans et du même coup les États-Unis.
    Il y a donc une force militaire française en Louisiane. Une force navale   : les pirates. Une force terrestre potentielle   : les Acadiens. Avec les milices américaines, je n’en aurais pas pour un an à libérer le Canada français et à faire rembarquer les Anglais pour l’Europe.
    « Madison a échappé au massacre. Il ne rêve que de revanche. Cette revanche, nous arrivons pour la lui offrir. Et vous avez le pouvoir, vous monsieur le préfet, d’influer sur le cours de l’Histoire. »
    Bonnefous, flatté, embarrassé, murmurait   :
    —  Votre Majesté sait qu’elle peut compter sur mon dévouement.
    L’Empereur s’était levé, et d’une voix solennelle   :
    —  Monsieur de Bonnefous, mon arrivée aux États-Unis peut infléchir le destin. Je veux reprendre le flambeau de Genet et terminer en Amérique ce que j’ai ébauché en Europe.
    Si je me suis longtemps étendu sur cette histoire mal connue, c’est pour vous faire mesurer l’importance de votre rôle dans les jours qui viennent. Notre sort est entre vos mains. Et il faut que l’ Embuscade ou plutôt la Saale puisse mettre sous voile dans deux jours.
    Le préfet s’était levé, ébloui par les perspectives fabuleuses qui embrasaient son imagination.
    —  Sire, je ferai tout ce qui sera en mon pouvoir {62} .
    —  Je n’oublierai pas ce que vous faites pour moi. Et maintenant j’ai une grande faveur à vous demander, une faveur confidentielle. Je ne vous ferai aucun grief si vous me la refusez.
    —  Je vous écoute, sire (la voix du préfet se fit basse et inquiète).
    —  Vous avez reçu des instructions précises concernant mon voyage   ?
    —  Oui, sire.
    —  Y a-t-il dans ces instructions des clauses secrètes, enfin des directives que vous ne sauriez me communiquer sans manquer à l’honneur ?
    —  Non, sire.
    —  Alors, monsieur le préfet, voilà ce que je vous demande   : permettez-moi de jeter un coup d’œil sur ces instructions. Cela demeurera bien sûr, quoi qu’il arrive, un secret entre vous et moi. Ce que je vous demande, c’est un témoignage de confiance et d’amitié.
    Bonnefous s’empourprait, bredouillait   :
    —  Ce que vous me demandez, sire, c’est très...
    —  Une simple communication, monsieur le préfet. Vous m’avez dit vous-même qu’il n’y avait rien de confidentiel dans ces directives.
    —  Sire, je vous en prie..., c’est infiniment...
    —  Songez à ce qui est en jeu, monsieur le préfet. Je vous donne ma parole que cette faveur

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