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La nuit de l'ile d'Aix

La nuit de l'ile d'Aix

Titel: La nuit de l'ile d'Aix Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gilbert Prouteau
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la peine de mort.
    Les femmes distinguées se montraient les plus ardentes à notre supplice et se relayaient pour venir nous insulter de plus près. Et voilà qu’arrive le roi Joseph, arrêté lui aussi et conduit dans cette auberge. C’est une sorte de taverne sise à l’angle d’une vaste place plantée de platanes. Et la place s’était remplie d’une multitude vociférante qui nous accablait d’injures et de promesses de mort. Nous entendions scander les mots de passe des assassins   : « Napoléon est là... Tuez-le... La reine Hortense est là... Bourrez-la... »
    Et là il s’est produit un incident comique. Des centaines de jeunes gens criaient : Vive le roi... Vive leROI... quand le sous-préfet que je connaissais s’est frayé un chemin à travers la foule et est arrivé jusqu’à nous. Joseph s’est précipité vers lui et lui a dit   : « Monsieur le sous-préfet, ils m’ont reconnu, ils veulent que je me montre au balcon. Mais je voyage incognito, je vous demande de les faire taire. » Le sous-préfet était abasourdi parce qu’il n’ignorait pas que ces « Vive le roi » allaient au roi de France et non au roi d’Espagne. Il réussit enfin à imposer le silence.
    Dans le même temps une troupe de fédérés entre dans la ville et défile l’arme à l’épaule. Et les fédérés persuadent le peuple de son erreur. Influençable et versatile comme toutes les populaces, le peuple de Saintes poursuit son siège de l’auberge, mais c’est pour combler les voyageurs d’ovations, de fleurs et de baisers, et d’une bruyante escorte qui accompagne la voiture jusqu’à la sortie de la ville.
    Il fallait voir ce spectacle inouï, dit Las Cases   : des femmes du peuple en pleurs prenaient nos mains et les baisaient. De tous côtés chacun s’offrait à nous suivre pour éviter, disaient-ils, un guet-apens que les ennemis de Napoléon avaient organisé à quelques kilomètres de là.
    Mme de Montholon rejoignait les rescapés dans le grand salon.
    —  Et vous, madame, avez-vous partagé les avatars de Las Cases et de ses compagnons ?
    —  Nous avons eu les nôtres, sire, nous avons connu de belles frayeurs. À deux lieues de Saintes, je m’étais assoupie dans la berline. Je m’éveille en sursaut   : un cavalier avait arrêté le postillon. Au même moment je vois un revolver braqué sur ma poitrine.
    —  Qui étaient ces gens   ?
    —  Des Vendéens qui, sachant que l’une des voitures qu’ils attendaient était passée en dehors de la ville, croyaient faire une grande prise en m’arrêtant. Ne découvrant que deux femmes ils furent un peu étonnés. Je les avais pris pour des voleurs. Et, voyant ce canon de pistolet appuyé contre moi, j’avais jeté mon enfant à mes pieds.
    —  Que vous ont-ils dit   ?
    —  Ils m’ont invitée à rebrousser chemin. Je refusai net. Alors ils m’ont prévenue qu’un gendarme arrivait porteur d’un ordre de la municipalité pour me ramener à Saintes. Le gendarme arriva en effet, il me montra l’ordre. Je me suis soumise non sans rage.
    Les deux jeunes gens qui m’avaient arrêtée marchaient chacun d’un côté de la portière. Ils nous escortaient. L’un était un ancien officier honteux de ce qu’il faisait, il s’est excusé. L’autre était un vrai chouan. Celui-là voulait absolument que je sois la princesse Borghèse. Je leur ai demandé pourquoi ils n’avaient pas tiré sur nous. Il m’a répondu qu’il fallait bien que je sois la sœur de l’Empereur pour regretter que l’on n’ait pas tiré {64} .
    —  Qu’ont-ils fait de vous   ?
    —  Ils nous ont conduites dans une auberge où j’ai aperçu à travers une fenêtre le roi Joseph qu’on avait aussi arrêté.
    —  Comment tout cela s’est-il terminé   ?
    —  La municipalité a envoyé des gens pour nous délivrer... Nous avons poursuivi notre route, heureux que les voitures n’aient pas été brûlées.
    —  Ce n’est pas vous qu’ils cherchaient, dit Savary, c’est l’Empereur qu’ils voulaient assassiner.
    —  Vous avez dû être bien inquiète. Mais, rassurez-vous, madame, sur l’océan il n’y a ni Vendéens ni gendarmes.
    —  Il peut y avoir les Anglais, sire.
    Le vent n’est pas revenu de voyage. La mer est lisse et le ciel figé. « Nous attendons le vent   », dit l’Empereur. Et l’attente du vent favorise la formation de la tempête. En ces jours où chaque heure perdue est la chance du malheur, où

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