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La Papesse Jeanne

La Papesse Jeanne

Titel: La Papesse Jeanne Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Donna Cross
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formes étranges. Un soleil pourpre effleura l’horizon. Ses rayons,
plus brûlants que des flammes, mordirent le visage de Jeanne, lui desséchèrent
les yeux. Fascinée, elle vit son contour s’altérer et se fondre en une
silhouette humaine.
    Le visage de son
père flottait à présent devant elle, crâne souriant et décharné. Sa bouche sans
lèvres s’ouvrit, béante. Mulier ! accusa-t-elle. Mais ce n’était
pas la voix de son père, c’était celle de sa mère. La bouche s’ouvrit encore
plus, et Jeanne vit alors que ce n’était pas une bouche, mais l’entrée béante
et hideuse d’une noire caverne. Au fond des ténèbres, un grand feu brûlait,
vomissant de puissants piliers de flammes rouges et bleues. Des gens s’agitaient
dans ce feu, et leurs corps se tordaient de douleur, grotesques. Une de ces
silhouettes se tourna vers Jeanne. Épouvantée, elle reconnut les prunelles d’azur
et la chevelure d’or pâle de sa mère. Gudrun l’appela et lui tendit les bras.
Jeanne voulut la rejoindre, mais le sol se déroba sous ses pieds et elle se
sentit tomber, tomber encore vers la bouche béante, pour s’abîmer enfin dans
les flammes en hurlant le nom de sa mère.
    Elle se trouvait
à présent dans un champ enneigé. Villaris se dressait dans le lointain. Le
soleil faisait fondre la neige sur les toits du manoir, et l’eau tombait des
gouttières en une pluie de minuscules pierreries. Elle entendit un martèlement
de sabots, se retourna, et aperçut Gerold qui galopait vers elle, chevauchant
Pistis. Elle courut à sa rencontre sur la neige. Il fit halte à sa hauteur, se
pencha, la mit en croupe devant lui. Elle se laissa aller en arrière,
abandonnée à la tendre vigueur de ses bras. Elle était sauvée. Plus rien ne l’atteindrait.
Gerold ne le permettrait pas. Ensemble, ils chevauchèrent vers les tours
scintillantes de Villaris. Les foulées de l’alezan s’allongèrent sous eux, et
Jeanne se sentit bercée, bercée, bercée...
    Le mouvement
cessa. Elle ouvrit les yeux. Par-delà le plat- bord, la cime des arbres se
découpait, noire et immobile, sur le ciel crépusculaire. Le bateau ne bougeait
plus.
    Des voix
murmurèrent quelque part au-dessus d’elle, mais Jeanne ne comprit pas ce qu’elles
disaient. Plusieurs mains se tendirent, la touchèrent, la soulevèrent.
Confusément, elle se rappela qu’elle ne devait laisser personne la ramener à
Fulda tant qu’elle serait malade, et elle se débattit de toute la force de ses
membres. Quelqu’un jura, très loin. Une douleur aiguë, très brève, lui vrilla
la mâchoire. Et ce fut le néant.
     
     
    Jeanne se sentit
émerger tout doucement d’un puits de ténèbres. Ses tempes la faisaient
horriblement souffrir. Sa gorge était aussi sèche qu’un parchemin. Elle passa
la pointe de sa langue sur ses lèvres craquelées, et y trouva le goût du sang.
Une douleur sourde lui transperçait la mâchoire. Son menton était enflé sous
ses doigts tremblants. Où donc me suis-je blessée ?
    Où
suis-je ?
    Elle était
couchée sur un matelas de plumes, dans une pièce qu’elle ne reconnut pas. À en
juger par le nombre et par la qualité des meubles, le maître des lieux devait
être un homme prospère. Outre l’énorme lit sur lequel elle trônait, elle
recensa des bancs capitonnés de douce étoffe, un fauteuil à haut dossier
couvert de coussins, une longue table à gibier, un pupitre, un certain nombre
de coffres et de malles finement sculptés. Un grand feu crépitait dans l’âtre,
et deux miches de pain frais venaient d’être placées sur les cendres. Leur
senteur commençait tout juste à envahir la pièce.
    À quelques pas de
là, une jeune femme rondelette était assise, tournant le dos à Jeanne. Elle
était fort occupée à pétrir une boule de pâte. Une fois sa tâche achevée, elle
épousseta la farine de sa tunique et son regard tomba sur la malade. Elle se
hâta de gagner la porte.
    — Mon mari !
cria-t-elle. Venez vite, mon mari ! Notre hôte s’est réveillée !
    Un jeune homme au
teint rouge, grand et efflanqué, entra un instant plus tard.
    — Comment
est-elle ?
    Jeanne sursauta. Elle ? Baissant les yeux, elle constata que sa robe de moine avait
disparu. À la place, elle portait une tunique de lin bleu évidemment féminine.
    Ils savent.
    Elle voulut se
redresser sur le lit, mais ses membres refusèrent de lui obéir.
    — Ne t’épuise
pas en vain, murmura le jeune homme, en lui posant une main sur

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