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La Papesse Jeanne

La Papesse Jeanne

Titel: La Papesse Jeanne Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Donna Cross
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et condamnés, semblait-il,
à une existence de privations et de disette. Et cependant, Madalgis s’était
remariée, avait atteint à la prospérité, et son fils était devenu l’intendant d’un
puissant seigneur ! Vitam régit fortuna – la chance régit la vie, se dit-elle. La mienne comme celle des autres.
    — Voici
Bona, ma femme, déclara fièrement Arn. Et voici notre petite fille Arnalda.
    Bona, joli brin
de femme aux yeux rieurs et au sourire prompt, était encore plus jeune que son
mari. Elle pouvait tout au plus avoir dix-sept ans. Elle était déjà mère, et
son ventre rebondi trahissait l’imminence d’une seconde naissance. La petite
Arnalda était ravissante avec ses boucles d’or, ses joues roses et ses yeux
bleus. Elle sourit à Jeanne, dévoilant au passage une mignonne rangée de dents
semblables à des perles.
    Arn, rayonnant,
fit signe à sa femme et à son enfant d’approcher.
    — Venez par
ici, dit-il, je vais vous présenter à...
    Il hésita et se
tourna vers Jeanne.
    — Au fait,
comment dois-je t’appeler ? Le nom de « Frère Jean » me paraît
quelque peu incongru, sachant... ce que nous savons.
    — Jeanne.
Appelle-moi Jeanne, car tel est mon nom.
    — Jeanne,
répéta Arn, flatté de cette marque de confiance. Conte-nous, si tu le veux,
comment tu en es venue à vivre parmi les frères bénédictins de Fulda, car un
tel exploit semble à peine croyable. Comment y es-tu parvenue ? Qu’est-ce
qui t’a poussée à agir de la sorte ? Quelqu’un partage-t-il ton secret ?
Est-il possible que personne ne se soit jamais douté de rien ?
    Jeanne éclata de
rire.
    — Le temps,
à ce que je vois, n’a pas émoussé ta curiosité.
    Les mensonges
semblaient inutiles. Elle raconta tout, de son éducation peu orthodoxe à l’école
de Dorstadt à ses années à Fulda, en passant par son accession à la prêtrise.
    — Ainsi, les
autres moines ne savent-ils rien, déclara Arn, songeur, quand elle eut fini.
Nous pensions que tu avais peut-être été découverte, forcée de fuir... As-tu l’intention
de retourner là-bas ? La chose est tout à fait possible. Quant à moi, je
préférerais mourir écartelé plutôt que de révéler ton secret !
    Jeanne eut un
sourire. En dépit de son allure d’homme, Arn ressemblait encore beaucoup à l’enfant
qu’elle avait connu.
    — Heureusement,
un tel sacrifice ne sera pas nécessaire. Je suis partie à temps. Les moines n’ont
aucune raison de se méfier. Cela dit... je ne suis pas sûre de vouloir
retourner à Fulda.
    — Que
feras-tu sinon ?
    — Bonne
question, répondit Jeanne. Pour l’heure, je n’en connais pas la réponse.
     
     
    Arn et Bona la
veillèrent comme des parents aimants pendant plusieurs jours, en lui
interdisant formellement de se lever.
    — Tu n’es
pas encore assez forte, disaient-ils à tout bout de champ.
    Jeanne n’avait d’autre
choix que celui de se soumettre à leur sollicitude. Elle passait de longues
journées à enseigner lettres et chiffres à la petite Arnalda. Malgré son jeune
âge, la fillette possédait déjà les excellentes aptitudes de son père. Ravie de
cette nouvelle compagnie, elle progressait à grands pas.
    Quand, le soir
venu, l’enfant allait se coucher, Jeanne méditait sans répit sur son avenir.
Devait-elle retourner à Fulda ? Elle venait de passer douze ans à l’abbaye.
Elle avait mûri entre ses murs et avait peine à s’imaginer vivant en d’autres
lieux. Mais force lui était de voir les choses en face : elle avait
vingt-sept ans, et sa jeunesse était derrière elle. Les moines de Fulda,
éreintés par la rudesse du climat local et une discipline Spartiate, vivaient
rarement au-delà de quarante ans. Frère Deodatus, le doyen de la communauté,
avait cinquante-quatre ans. Combien de temps pourrait-elle résister aux assauts
de l’âge ? Combien de temps tiendrait-elle avant d’être de nouveau malade,
ce qui lui ferait courir le risque d’être démasquée, condamnée à mort et
exécutée ?
    Il lui fallait
aussi tenir compte de l’abbé Raban, qui ne l’aimait pas et n’était pas homme à
dévier de sa position. Quelles rigueurs, quels châtiments devrait-elle
affronter à son retour ?
    Son âme réclamait
un changement de cap. Il n’était pas un livre dans la bibliothèque de Fulda qu’elle
n’eût lu et relu, pas une fissure dans le plafond du dortoir qu’elle ne connût
par cœur. Depuis des années, elle se réveillait chaque

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