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La Papesse Jeanne

La Papesse Jeanne

Titel: La Papesse Jeanne Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Donna Cross
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ce que vous voulez dire.
    — Si tu es
né en pays franc, pourquoi t’appelles-tu Jean Anglicus ? demanda le pape
avec une vivacité d’esprit étonnante.
    — Mon père
était anglais, mais il fut envoyé en mission chez les Saxons pour prêcher l’Évangile.
    — Les Saxons ?
Une tribu sans dieu !
    L’image de sa mère
traversa l’esprit de Jeanne, et elle ressentit sur-le-champ la bouffée
familière de culpabilité et d’amour.
    — La plupart
d’entre eux sont aujourd’hui chrétiens  – si tant est qu’on puisse l’être
vraiment quand la foi vous a été imposée par le feu et au fil de l’épée.
    Serge plissa les
yeux.
    — Tu n’approuves
pas la vocation de l’Église à convertir les païens ?
    — Quelle
valeur peut avoir une profession de foi obtenue par la force ? Sous la
torture, un être humain est capable d’abjurer tout ce qu’on voudra pour se
délivrer de la douleur.
    — Et
cependant, c’est Notre Seigneur Lui-même qui nous a enjoint de répandre la
parole de Dieu. « Allez, portez la bonne parole à toutes les nations, et
baptisez-les au nom du Père, du Fils et du Saint Esprit. »
    — C’est
exact. Mais...
    Elle s’interrompit.
Une fois de plus, elle était sur le point de se laisser entraîner dans un débat
d’idées imprudent, voire dangereux, et avec le pape lui-même !
    — Continue.
    — Pardonnez-moi,
Votre Sainteté, mais... vous n’êtes pas rétabli.
    — Soit, mais
je ne suis plus malade au point de ne plus pouvoir entendre raison, répliqua le
pontife, agacé. Poursuis.
    — Eh bien...
Je crois qu’il convient de considérer l’ordre dans lequel le Christ a édicté
ses commandements. Il s’agit tout d’abord d’apporter la bonne parole aux
nations, et ensuite seulement de leur offrir le baptême. Nous ne sommes pas
tenus d’imposer ce saint sacrement avant que les esprits n’aient embrassé la
foi par le biais d’une compréhension rationnelle. Enseignez d’abord, a dit le Christ,
et baptisez ensuite.
    Serge la
dévisagea avec un intérêt accru.
    — Tu
raisonnes bien. Où as-tu reçu ton éducation ?
    — Je la
tiens d’un Grec nommé Asclepios, un homme de grand savoir, qui fut mon tuteur
lorsque j’étais enfant. Ensuite, j’ai étudié à l’école cathédrale de Dorstadt,
puis à Fulda.
    — Ah, Fulda !
Nous avons récemment reçu un manuscrit de Raban Maur, magnifiquement enluminé,
renfermant un poème de sa composition sur la Sainte Croix. Je lui écrirai
bientôt pour le remercier, et je ne manquerai pas de lui faire part des
services que tu m’as rendus.
    Jeanne croyait s’être
définitivement débarrassée de l’abbé Raban. Sa haine despotique pouvait-elle la
poursuivre jusqu’ici, mettant en péril la nouvelle vie qu’elle s’était patiemment
bâtie ?
    — Je doute
que sa réponse conforte la bonne opinion que vous semblez avoir de moi, Votre
Sainteté.
    — Pourquoi
donc ?
    — L’abbé
voit dans l’obéissance le plus sacré de tous les vœux religieux. Or, ce fut
toujours, à mes yeux, le plus difficile à respecter.
    — Et pour ce
qui est des autres vœux ? demanda gravement Serge.
    — Né dans la
pauvreté, je n’ai jamais eu aucun mal à m’y accoutumer. Quant à la chasteté,
ajouta Jeanne en s’efforçant d’éliminer de sa voix toute trace d’ironie, j’ai
toujours su résister aux tentations qu’offrent les femmes.
    La mine du pape s’adoucit.
    — Je suis
heureux de te l’entendre dire. Car, sur ce point, l’abbé Raban et moi
divergeons nettement. De tous les vœux, celui de chasteté est sans aucun doute
le plus grand et le plus agréable à Dieu.
    Jeanne dut
dissimuler sa surprise. La chasteté était loin d’être universellement pratiquée
par les prêtres de Rome. Il n’était pas rare que ceux-ci aient une femme. D’ailleurs,
un homme marié pouvait fort bien accéder à la prêtrise à condition qu’il renonçât
à toute relation conjugale ultérieure  – condition rarement respectée dans
les faits. Il était encore plus rare qu’une femme s’élevât contre les
aspirations religieuses de son époux, dans la mesure où elle était autorisée à
partager le prestige de sa nouvelle position : on appelait respectueusement
« prêtresse » ou « diaconesse » la femme d’un prêtre ou d’un
diacre. Le pape Léon III était marié au moment de son accession au Trône de
saint Pierre, et personne à Rome n’aurait songé à lui en tenir

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