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La Papesse Jeanne

La Papesse Jeanne

Titel: La Papesse Jeanne Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Donna Cross
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comme la jussio était plus symbolique
qu’effective  – jamais aucun empereur n’avait refusé de ratifier un pape
élu  –, personne n’avait cru à une réaction violente de Lothaire.
    — Où est l’empereur ?
interrogea Serge d’une voix faible.
    — À Viterbe,
Votre Sainteté.
    Des cris d’alarme
se firent entendre un peu partout. Viterbe, bourgade de la province romaine,
était à moins de dix jours de marche de la capitale !
    — Très Saint
Père, reprit le cavalier, plus loquace maintenant qu’il avait repris son
souffle, Lothaire répand la terreur partout où il passe. Ses soldats pillent,
rançonnent, enlèvent le bétail et arrachent les pieds de vigne. Ils prennent ce
qu’ils veulent, et tout ce dont ils ne veulent pas, ils le brûlent ! Ceux
qui ont le malheur de se trouver sur leur passage sont massacrés sans merci
 – femmes, vieillards, nourrissons, personne n’est épargné ! Nul n’aurait
pu imaginer une telle horreur !
    Épouvantés, tous
les regards cherchèrent le pape, mais ne trouvèrent en lui aucun réconfort.
Devant les yeux ahuris du peuple de Rome, les traits de Serge se décomposèrent,
ses yeux roulèrent dans leurs orbites, et il s’effondra, inanimé, sur sa
jument.
    — Il est mort !
s’écria quelqu’un.
    Cette lamentation
fut aussitôt reprise en chœur par des dizaines de bouches. Les gardes
pontificaux se hâtèrent d’entourer Serge, le firent glisser à bas de sa monture
et le portèrent jusqu’au Latran, talonnés par le reste de la procession.
    Une foule
effrayée envahit la cour du palais, au bord de la panique. Les gardes se mirent
à circuler en son sein en faisant claquer leurs fouets et scintiller leurs
glaives, et les badauds se replièrent dans les venelles obscures, réduits à
affronter la terreur dans la solitude de leurs foyers.
     
     
    L’inquiétude et l’agitation
ne firent que croître à mesure que les réfugiés affluaient aux portes de la
ville, venus des campagnes environnantes  – de Farfa et de Narni, de
Laurentum et de Civitavecchia. Ils arrivaient par troupeaux entiers, portant
leurs maigres possessions sur leurs dos, conduisant leurs morts entassés dans
de lourdes charrettes. Tous avaient mille horreurs à conter sur la sauvagerie
franque. Leurs effroyables récits mettaient à mal les efforts déployés par la
cité pour renforcer ses défenses : jour et nuit, les Romains s’affairaient
à déblayer les couches successives de déchets qui s’étaient accumulées au pied
des remparts de la ville au long des siècles, car elles risquaient de faciliter
l’assaut de l’ennemi.
    Les prêtres de la
cité étaient occupés de prime aux vêpres à dire la messe et à entendre la
volubile confession des fidèles. Les églises étaient pleines à craquer. La peur
avait ravivé bien des fois vacillantes. Pieusement, on allumait des cierges et
on joignait sa voix à la prière générale pour le salut des foyers et des
familles  – et aussi pour le rétablissement du pape Serge, sur lequel
reposaient tous les espoirs. Puisse Dieu rendre ses forces à notre Saint
Père, entendait-on partout. Car celui-ci, à n’en pas douter, allait en
avoir grand besoin pour sauver Rome des griffes de ce démon de Lothaire.
     
     
    La voix de Serge
s’élevait, puis retombait au gré des méandres de la mélodie, plus juste et plus
douce que celle de n’importe quel autre chantre de la schola cantorum. Le maître de chant lui sourit. Encouragé, Serge chanta encore plus fort, à
pleins poumons, et sa jeune voix de soprano monta de plus en plus haut, en une
joyeuse extase, au point qu’il se crut un instant guidé par elle jusqu’aux cieux.
    Le rêve se
dissolut, et Serge s’éveilla. Une peur vague, tapie aux confins de sa
conscience, accéléra les battements de son cœur avant même qu’il en eût compris
la cause.
    Avec un hoquet
nauséeux, il se souvint.
    Lothaire !
    Il s’assit sur
son lit. Sa tête lui faisait mal, et un goût immonde lui emplissait la bouche.
    — Célestin !
cria-t-il d’une voix grinçante comme un vieux gond.
    — Oui, Votre
Sainteté !
    Célestin, couché
sur le sol, se releva d’un bond. Avec ses joues roses, ses yeux ronds et sa
tignasse blonde ébouriffée, il ressemblait à un chérubin tout droit descendu du
ciel. À dix ans à peine, il était le plus jeune des cubicularii. Son père,
homme de grande influence à Rome, avait réussi à le placer au palais du Latran
avant l’âge

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