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La Papesse Jeanne

La Papesse Jeanne

Titel: La Papesse Jeanne Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Donna Cross
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ecclésiastiques, chacun précédé d’un clerc portant haut la bannière de
sa région. Puis ce fut le tour de l’archiprêtre et du primicerius, suivis de
leurs subalternes. Enfin, le pape Serge parut, magnifiquement paré d’une robe
de fil d’or et d’argent. Monté sur une puissante jument rouanne, il était
immédiatement suivi des optimates, les principaux dignitaires de l’administration
pontificale, par ordre décroissant d’importance : en premier venait
Arighis, le vice-dominus, puis le vestiarius, le sacellarius, l’arcarius, et le
nomenclator.
    La procession,
ayant traversé la cour du Latran, quitta le palais en grande pompe, en passant
devant la statue de la Louve, mater romanorum  – mère des Romains
 –, qui, disait-on, avait nourri Romulus et Rémus. Cette sculpture était à
l’origine d’une controverse considérable, car nombreux étaient ceux qui
jugeaient blasphématoire la présence d’une idole païenne aux portes du palais
pontifical. D’autres, en revanche, la défendaient avec une ardeur égale, ne
trouvant point de mots pour vanter sa beauté et l’excellence de son auteur.
    Juste après avoir
effleuré la Louve, la procession bifurqua vers le nord, passa sous la
formidable arche de brique de l’aqueduc, et s’engagea sur la Via Sacra, la voie
sacrée qu’empruntaient régulièrement les papes depuis la nuit des temps.
    Serge plissa les
yeux, mis à la torture par la lumière rasante du soleil. Il avait la migraine,
et les tressautements cadencés de sa monture lui donnaient la nausée. Sa main
se crispa sur les rênes. Voilà le prix de ma gloutonnerie, se dit-il, d’humeur
pénitente. Il avait de nouveau cédé au péché en se gavant la veille de
nourriture et de vin. En se reprochant sa faiblesse, Serge résolut, pour la vingtième
fois de la semaine, de s’amender sans délai.
    Avec un pincement
de remords, il songea à Jean Anglicus. Il se sentait tellement mieux lorsque ce
prêtre étranger était son médecin ! Naturellement, après le crime odieux
qu’il avait osé commettre, il ne pouvait être question de le reprendre à son
service. Jean Anglicus avait rompu le plus sacré des vœux.
    — Dieu
bénisse notre seigneur le pape !
    Les vivats de la
foule ramenèrent Serge à la réalité. Il esquissa un signe de croix en signe de
bénédiction et dut lutter de plus belle contre la nausée lorsque le cortège
entama la descente de la Via Sacra.
    On venait juste
de dépasser le monastère d’Honorius quand la foule s’écarta soudain à la tête
de la procession, fendue par un cavalier au galop arrivant en sens inverse. L’homme
et sa monture semblaient également fourbus. La bouche du cheval bai était noyée
d’écume, ses flancs se soulevaient. Les hardes du cavalier étaient déchirées,
son visage noirci comme celui d’un Sarrasin par la poussière de la route. Il
tira sur ses rênes et sauta à terre à l’avant du cortège.
    — Comment
oses-tu perturber cette sainte procession ? lui lança Eustathe, l’archiprêtre,
d’un air indigné. Gardes, arrachez le pourpoint de cet homme et donnez-lui le
fouet ! Cinquante coups de lanière auront tôt fait de lui apprendre le
respect !
    — Ils... ils
arrivent ! bégaya l’homme, tellement essoufflé que ses paroles étaient à
peine audibles.
    — Un
instant, intervint Serge, faisant un signe aux gardes. Qui arrive ?
    — Lothaire
et les siens, parvint à articuler le cavalier.
    — L’empereur ?
demanda le pape, abasourdi.
    L’autre
acquiesça.
    — Il est à
la tête d’une puissante armée de Francs. Votre Sainteté, il a juré de laver
dans le sang les offenses commises par votre personne et par la cité de Rome !
    Un murmure de
désarroi parcourut la foule.
    — Quelles
offenses ?
    Serge réfléchit
un moment avant de s’exclamer :
    — Le sacre !
    Après son
élection sur le Trône de Pierre, la cité de Rome avait organisé la cérémonie du
sacre sans attendre l’approbation de l’empereur. Cette attitude constituait un
grave manquement à la charte de 824, qui accordait à Lothaire le droit de jussio  – ou ratification  – de tout pape élu, et ce avant son
sacre officiel. La décision de passer outre avait néanmoins été applaudie par
le peuple, qui l’avait interprétée comme une vigoureuse affirmation de l’indépendance
romaine vis-à-vis de la lointaine couronne lotharingienne. Il s’agissait d’un
camouflet délibéré pour l’empereur, mais

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