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La Papesse Jeanne

La Papesse Jeanne

Titel: La Papesse Jeanne Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Donna Cross
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palais des papes et au bon fonctionnement de la formidable ruche
humaine que formait le siège du gouvernement de Rome. Au fil des ans, Arighis
en était venu à considérer le palais pontifical comme une entité vivante, une
créature dont il était de sa seule responsabilité d’assurer le bien-être
permanent.
    Or, ce bien-être
était menacé. En moins d’une année, Benoît avait fait du Latran un nid de
corruption. Tyrannique et manipulateur, Benoît était une tumeur maligne
menaçant la papauté tout entière. La seule solution consistait à amputer le membre
atteint. Benoît devait mourir.
    Serge n’ayant pas
la force de mener une telle tâche à bien, il revenait à Arighis d’assumer ce
fardeau. Il l’avait accepté sans hésitation, au nom de la Sainte Mère Église.
    Tout était prêt.
    — Amenez le
prisonnier, ordonna Arighis.
    Benoît fut traîné
dans la cour par les gardes. Sa tunique était froissée, ses traits étaient
tirés, et une nuit d’insomnie au cachot avait rendu son teint livide. Il
promena sur le décor un regard noyé d’inquiétude.
    — Où est
Serge ? demanda-t-il enfin. Où est mon frère ?
    — Sa
Sainteté ne peut être dérangée, répondit Arighis.
    Benoît pivota sur
lui-même pour faire face au vice-dominus.
    — Que
cherches-tu à faire, Arighis ? Tu as vu comme moi mon frère hier soir. Il
était ivre ! Il ne savait plus ce qu’il disait ! Laisse-moi lui
parler, et tu verras. Il reviendra sur sa sentence.
    — Faites
votre devoir, commanda Arighis aux gardes.
    Ceux-ci tirèrent
Benoît jusqu’au centre de la cour et le forcèrent à s’agenouiller. Ils lui
saisirent les deux bras et les plaquèrent sur le piédestal de la statue de la
Louve, mains à plat sur la pierre. La terreur déforma les traits de Benoît.
    — Non !
Arrêtez ! hurla-t-il, levant désespérément les yeux vers les fenêtres du
palais. Serge ! Serge !
    Le glaive s’abattit.
Benoît poussa un hurlement en voyant ses deux mains rouler sur le sol, coupées
net.
    La foule
applaudit. L’homme au glaive cloua les mains du condamné au flanc de la Louve.
Selon une antique coutume, elles resteraient là un mois, à titre d’avertissement
pour tous ceux que tenaillerait la tentation de s’emparer du bien d’autrui.
    Ennodius, l’archiatre,
s’avança à pas lents. Ayant retiré les deux fers rouges des braises, il les
écrasa sans hésiter sur les moignons sanguinolents de Benoît. Une écœurante
odeur de chair brûlée s’éleva dans l’air matinal. Avec un nouveau cri, Benoît s’évanouit.
Ennodius se pencha sur lui.
    Arighis attendit,
tous les sens aux aguets. À la suite d’un tel châtiment, la plupart des
condamnés périssaient  – soit sur le coup, soit quelque temps après,
victimes de leurs saignements ou de la gangrène. Cependant, les plus vigoureux
réussissaient à survivre. On les voyait parfois errer dans les rues de Rome, et
leurs grotesques mutilations trahissaient au premier regard la nature de leurs
crimes : lèvres brûlées pour ceux qui avaient menti sous serment ;
pieds tranchés pour les esclaves qui avaient fui ; yeux arrachés pour ceux
qui avaient osé convoiter la femme ou la fille d’un supérieur.
    Craignant que
Benoît ne survécût à son supplice, Arighis avait pris grand soin de demander à
Ennodius plutôt qu’à Jean Anglicus de s’occuper de lui.
    L’archiatre se
redressa enfin.
    — Dieu vient
de rendre son jugement, annonça-t-il d’un air grave. Benoît est mort.
    Loué soit le
Seigneur, se dit le vice-dominus. La papauté est
sauve.
     
     
    Jeanne faisait la
queue dans le lavatorium, attendant son tour pour se laver rituellement
les mains avant la messe. Ses paupières étaient lourdes, gonflées par le manque
de sommeil. Elle avait passé la nuit à se retourner dans son lit, l’esprit
empli du souvenir de Gerold. En quelques heures, toutes sortes de sentiments qu’elle
croyait depuis longtemps enterrés avaient refait surface, avec une intensité
effrayante.
    Le retour de
Gerold avait ressuscité les troublants désirs de sa jeunesse. Et si elle cédait
à la tentation de redevenir femme ? Elle s’était accoutumée à répondre
seule d’elle-même, à exercer un entier contrôle sur ses faits et gestes. Or, la
loi chrétienne soumettait la femme à son mari. Pouvait-elle faire à ce point
confiance à un homme, fût-il Gerold ?
    Ne te donne
jamais à aucun homme. Les paroles de sa mère
résonnaient encore dans

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