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La Papesse Jeanne

La Papesse Jeanne

Titel: La Papesse Jeanne Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Donna Cross
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à l’exception de Jeanne et de ses plus proches conseillers. Et
il se remit à boire, vidant coupe sur coupe d’épais vin toscan jusqu’à sombrer
dans un oubli total.
    Ses beuveries
eurent l’effet habituel : sa goutte revint, plus violente que jamais. Pour
soulager sa douleur, il buvait encore. Il dormait de plus en plus mal. Nuit
après nuit, il s’éveillait en hurlant, tourmenté par des cauchemars dans
lesquels il recevait la visite vengeresse du spectre de son frère. Jeanne en
vint à redouter que son cœur déjà affaibli ne supportât pas ce fardeau
supplémentaire.
    — N’oubliez
pas la pénitence à laquelle vous êtes soumis, lui répétait-elle.
    — Aucune
importance, répondait le pape, découragé. Je n’attends plus rien du ciel. Dieu
m’a abandonné.
    — Ne vous
reprochez pas en vain ce qui s’est passé. Il est des catastrophes que nul
pouvoir mortel ne saurait prévenir.
    — L’âme de
mon frère me harcèle, disait Serge en secouant la tête. Je l’ai assassiné. J’ai
péché, et cela est mon châtiment.
    — Si vous
refusez de penser à votre bien-être, pensez au moins à celui du peuple de Rome !
Il a plus que jamais besoin d’être consolé et guidé par vous.
    Elle tenait ce
langage pour lui rendre un peu de courage, mais la vérité était différente. Le
peuple en voulait à Serge. L’arrivée des Sarrasins avait été annoncée assez
tôt, entendait-on un peu partout, pour laisser au pape le temps de transporter
les saintes reliques en lieu sûr. Sa confiance en la protection divine, objet à
l’époque d’universelles louanges, était désormais considérée par tous comme le
triste résultat d’un orgueil mal placé.
    — Mea
culpa, geignait le pape. Mea maxima culpa.
    Jeanne avait beau
le raisonner, le gronder et le cajoler, tout cela était vain. Sa santé se
détériora rapidement. Elle fit de son mieux, mais cela ne servit à rien. Serge
n’avait plus le goût de vivre.
    Son agonie dura
longtemps. Bien après que sa raison l’eut quitté et qu’il eut sombré dans l’inconscience,
le corps de Serge s’accrocha à ce bas monde, comme s’il rechignait à libérer
son ultime étincelle. Un matin gris, il mourut, si discrètement que personne ne
s’en aperçut de prime abord.
    Jeanne le pleura
sincèrement. Peut-être n’avait-il pas été l’homme  – et encore moins le
pape  – qu’il aurait dû être. Mais elle connaissait mieux que personne les
terribles démons qu’il avait affrontés, et savait à quel point il s’était
débattu pour leur échapper. Qu’il eût perdu l’ultime bataille ne rendait pas sa
lutte moins honorable.
    Il fut enterré
dans la basilique en ruine auprès de ses illustres prédécesseurs, à l’occasion
d’une cérémonie dont la modestie frisa le scandale. Le deuil officiel fut à
peine observé, car tous les regards romains étaient résolument tournés vers l’avenir
 – c’est-à-dire vers l’élection d’un nouveau pontife.
     
     
    Fuyant les vents
mordants du mois de janvier, Anastase pénétra dans la douce chaleur du palais
ancestral de sa famille. C’était le plus glorieux édifice de Rome, à l’exception
bien sûr du Latran, et Anastase le regardait avec fierté. Le plafond à voûtes
de la grande salle, haut comme deux étages, était entièrement fait de pur
marbre blanc de Ravenne. Ses murs étaient peints de fresques aux vives couleurs
représentant des scènes inspirées de la vie des ancêtres. L’une d’elles
montrait un consul discourant devant le Sénat ; une autre, un général sur
un noir destrier, passant ses troupes en revue ; une troisième, un
cardinal en train de recevoir le pallium des mains du grand pape Adrien. Un
panneau entier de mur avait été laissé en blanc, dans l’attente du jour si
longtemps espéré où la famille accéderait enfin à l’honneur suprême : la
montée sur le siège apostolique de l’un des siens.
    D’habitude, la
grande salle était le théâtre d’une vibrante activité. Mais ce jour-là, à l’exception
de l’intendant, elle était déserte. Afin d’éviter les déploiements de déférence
de celui-ci  – Anastase n’avait jamais de temps à perdre avec les subalternes
 –, il se rendit d’un pas pressé à la chambre de son père. À pareille
heure, Arsène aurait normalement dû se trouver dans la grande salle, en
conversation politique avec les notables de la ville. Mais depuis le mois
précédent, une fièvre

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