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La Papesse Jeanne

La Papesse Jeanne

Titel: La Papesse Jeanne Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Donna Cross
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violente le maintenait cloué sur sa couche, et surtout
privé de sa légendaire énergie.
    — Mon fils,
te voici, murmura Arsène en se redressant sur son lit à l’entrée d’Anastase.
    Il était frêle et
livide. Le spectacle de cette déchéance croissante, curieusement, emplit le
cœur d’Anastase d’une étrange sensation de vigueur et de jeunesse.
    — Père,
fit-il, ouvrant les bras.
    Les deux hommes s’étreignirent
avec chaleur.
    — Quelles
sont les nouvelles ? s’enquit Arsène.
    — L’élection
est prévue pour demain.
    — Dieu soit
loué !
    Ce n’était, bien
sûr, qu’une façon de parler. Bien qu’ayant officiellement reçu le titre
prestigieux d’évêque d’Orte, Arsène n’était pas ordonné prêtre et ne se
souciait guère de religion. Sa nomination était uniquement la reconnaissance
politique de la formidable influence qu’il exerçait sur la ville.
    — Il est
plus que temps qu’un de mes fils monte sur le Trône de saint Pierre !
    — Hélas, ce
dénouement n’est plus aussi certain que nous le pensions, Père.
    — Que
veux-tu dire ?
    — Le soutien
de Lothaire risque de ne pas suffire. Son peu d’empressement à défendre Rome
face aux Sarrasins lui a valu de nombreuses hostilités. Le peuple se demande
pourquoi il devrait se prosterner devant un empereur qui ne fait rien pour le
protéger. L’idée de l’indépendance de Rome fait son chemin dans les esprits.
    Arsène réfléchit
un instant avant de déclarer :
    — Renie
Lothaire.
    Anastase regarda
son père bouche bée. Son esprit, naguère si vif, donnait à l’évidence des
signes de décrépitude.
    — En faisant
cela, objecta-t-il prudemment, je perdrais le soutien du parti impérial, sur
lequel reposent tous nos espoirs.
    — Tu iras
trouver ses membres, et tu leur expliqueras que si tu agis ainsi, c’est par
stricte nécessité politique. Promets-leur que quoi que tu sois amené à dire, tu
resteras l’homme de l’empereur, et n’omets pas d’ajouter que tu as bien l’intention
de le prouver juste après ton élection en leur accordant de généreuses
nominations.
    — Lothaire m’en
voudra à mort.
    — Une fois que
tu seras élu, cela n’aura plus d’importance. Nous organiserons ton sacre juste
après l’élection, sans attendre la ratification impériale. Les circonstances
étant ce qu’elles sont, nul n’osera protester, car Rome ne peut rester sans
gouvernement un jour de plus que le strict nécessaire alors que les Sarrasins
nous menacent. Quand Lothaire apprendra ce qui s’est passé, tu seras pape et
évêque de Rome, et il ne pourra rien y changer.
    Admiratif,
Anastase hocha la tête. Son père avait pris sur- le-champ la mesure de la
situation. Le vieux renard pouvait bien grisonner, il n’avait rien perdu de sa
ruse.
    Arsène tendit à
son fils une longue clé de fer.
    — Puise dans
les coffres autant d’or qu’il en faudra pour acheter le soutien de ces gens-là.
Sans cette maudite fièvre, crois-moi, je m’en chargerais moi-même !
    Anastase serra
entre ses doigts le puissant symbole de pouvoir que venait de lui confier son
père.
    — Reposez-vous,
Père. Je m’occupe de tout.
    Arsène le prit
par la manche.
    — Sois
prudent, mon fils. Nous jouons là un jeu dangereux. J’espère que tu te souviens
de ce qui est arrivé à ton oncle Théodore ?
    S’il s’en
souvenait ! Le meurtre de son oncle, en plein palais du Latran, avait
marqué un tournant dans son enfance. L’ignoble rictus de Théodore, au moment où
les hommes de la garde pontificale lui arrachaient les yeux, resterait à jamais
gravé dans sa mémoire.
    — Je serai
prudent, Père. Laissez-moi faire.
    — C’est bien
mon intention, souffla Arsène.
     
     
    Ad te, Domine,
levavi animam meam... Agenouillée
sur le sol de pierre de la chapelle privée du Latran, Jeanne priait. Mais en
dépit de sa ferveur, elle ne parvenait pas à s’élever dans la lumière de la
grâce, comme si ses racines mortelles la maintenaient fermement arrimée à la
terre.
    Elle aimait
Gerold. À quoi bon nier l’évidence ? Lorsqu’elle l’avait vu chevaucher
vers la cité, à la tête des Bénéventins, son être tout entier avait vibré d’une
étrange émotion.
    À trente-trois
ans, elle n’avait aucun ami. Les contraintes de son imposture ne lui avaient
jamais permis de laisser qui que ce fût l’approcher de trop près. Elle avait
vécu jusqu’ici une existence de ruse et de

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