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La Papesse Jeanne

La Papesse Jeanne

Titel: La Papesse Jeanne Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Donna Cross
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mensonge.
    Était-ce pour
cette raison que Dieu la privait de sa grâce ? Attendait-il qu’elle
abandonnât son déguisement pour vivre la vie de femme pour laquelle elle était
née ?
    La mort de Serge
l’avait relevée de son obligation de rester à Rome. Le prochain pape serait
sans doute Anastase, et elle n’avait pas sa place dans son entourage immédiat.
    Elle avait trop
longtemps ignoré ses sentiments envers Gerold. Ne valait-il pas mieux se
laisser aller, et suivre enfin les injonctions de son cœur plutôt que celles de
son cerveau ?
    Que se
passerait-il quand Gerold et elle se reverraient ? Elle ne put réprimer un
sourire en imaginant la joie de ce moment.
    Tout était
possible à présent. Tout pouvait arriver.
     
     
    À midi, le jour
de l’élection, une foule immense s’était rassemblée sur le champ de foire qui s’ouvrait
au sud-ouest du Latran. Selon une coutume ancestrale, officiellement réaffirmée
par la constitution de 824, tous les citoyens romains, clercs et laïcs,
participaient à l’élection du pape.
    Jeanne dut se
hisser sur la pointe des pieds pour apercevoir l’estrade, au ras d’une mer de
nuques et d’épaules. Où était Gerold ? À en croire la rumeur, il venait de
rentrer de sa campagne d’un mois contre les bandes sarrasines, et il était
certainement dans les parages. Une frayeur soudaine étreignit le cœur de
Jeanne. Avait-il pu repartir pour Bénévent sans chercher à la revoir ?
    La multitude s’ouvrit
en deux avec respect quand Eustathe, l’archiprêtre, Desiderius, l’archidiacre,
et Pascal, le primicerius, s’avancèrent sur le champ de foire et prirent place
sur l’estrade : ce triumvirat de dignitaires, selon la tradition,
gouvernait la cité sede vacante, c’est-à-dire en cas de vacance du trône
papal, entre la mort d’un pontife et l’élection de son successeur.
    Eustathe invita
le peuple à dire en chœur une courte prière.
    — Notre Père
qui êtes aux cieux, guide-nous dans notre choix de ce jour, afin que nous
tranchions avec prudence et honneur, sans que la haine l’emporte sur la raison,
sans que l’amitié prenne le pas sur la vérité. Au nom de la Trinité sainte et
indivisible du Père, du Fils et du Saint-Esprit, amen.
    Pascal prit la
parole.
    — Le pape
Serge ayant été rappelé à Dieu, il nous incombe d’élire son successeur. Tous
les Romains ici rassemblés peuvent parler et exprimer de vive voix les
sentiments que le Seigneur leur a insufflés, afin que la volonté générale soit
exaucée.
    — Messire
primicerius, s’empressa de lancer Tassilo, chef du parti impérial, un nom
éclipse à l’évidence tous les autres. Je veux ici parler d’Anastase, évêque de
Castellum et fils de l’illustre Arsène. Sa noble naissance, son extraordinaire
érudition, son incontestable piété sont autant de qualités naturelles qui le
recommandent au trône. En la personne d’Anastase, nous aurons un ardent
défenseur de la foi chrétienne et de nos intérêts.
    — De tes intérêts, tu veux dire ! cria quelqu’un, railleur, dans la foule.
    — Nullement,
rétorqua Tassilo. La magnanimité d’Anastase fera de lui un véritable père pour
nous tous, amis romains.
    — Anastase
est l’homme de l’empereur ! Nous ne voulons pas d’un pantin pour pape !
    — C’est vrai !
approuvèrent plusieurs voix.
    Anastase monta
sur l’estrade et leva les bras en un geste grandiloquent. La foule se tut.
    — Mes chers
concitoyens, vous me jugez mal. La fierté de mes nobles ancêtres coule aussi
intensément dans mes veines que dans les vôtres. Je ne m’agenouillerai jamais
devant un suzerain franc !
    — Écoutez-le !
Laissez-le parler ! crièrent ses partisans, enthousiastes.
    — Où se
cachait Lothaire quand l’infidèle était à nos portes ? poursuivit
Anastase. En omettant de répondre à notre besoin, il a renoncé au droit de s’intituler
« Protecteur des Territoires de saint Pierre » ! S’il est question du
rang de Lothaire, je lui dois le respect. Si l’on considère qu’il est chrétien,
je lui dois la courtoisie, mais si vous me parlez de loyauté, sachez que la
mienne ira d’abord et toujours à Rome, ma seule patrie !
    C’était bien dit.
Ses fidèles applaudirent de plus belle, rejoints cette fois par une partie de
la foule. La balance de l’opinion semblait pencher du côté d’Anastase.
    — Pur
mensonge ! s’écria Jeanne.
    Toutes les têtes
se tournèrent vers

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