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La Papesse Jeanne

La Papesse Jeanne

Titel: La Papesse Jeanne Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Donna Cross
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pourrez- vous m’éclairer sur ce point : d’où
vient-il que l’homme possède la faculté de raisonner ?
    — La raison
est l’étincelle de l’essence divine en l’homme. « Et Dieu créa l’homme à
sa propre image. »
    — Vous
maniez fort bien les Écritures. Vous admettrez donc que la raison est un don de
Dieu ?
    — Assurément.
    Jeanne s’approcha
encore, abandonnant peu à peu l’ombre de la cloison. Elle ne voulait surtout
pas perdre un mot de ce qu’allait dire Asclepios.
    — Dans ce
cas, pourquoi craindre la confrontation entre foi et raison ? Comment
cette dernière pourrait-elle nous entraîner loin de Dieu, puisque c’est Lui qui
nous en a fait don ?
    Le chanoine se
tortilla sur sa chaise. Jeanne ne l’avait jamais vu aussi embarrassé. Son père
était un missionnaire, rompu à la lecture et aux sermons, mais peu accoutumé
aux débats logiques. Il ouvrit la bouche pour répliquer, puis la referma.
    — En effet,
poursuivit Asclepios, n’est-ce pas le manque de foi qui conduit les hommes à
redouter le verdict de la raison ? Quand la destination est douteuse, le
chemin est parsemé de craintes. Une foi vigoureuse n’a que faire de la peur,
car si Dieu existe, la raison ne peut que nous ramener vers Lui. Cogito,
ergo Deus est, a dit saint Augustin. « Je pense, donc Dieu est. »
    Jeanne buvait si
avidement chaque parole qu’elle s’exclama à haute voix pour manifester son
approbation. Son père tourna la tête. Elle se replia vivement dans l’obscurité,
osant à peine respirer. Le murmure des deux hommes reprit. Dieu soit loué,
on ne m’a pas vue. Sur la pointe des pieds, elle retourna vers la paillasse
où Jean ronflait.
    Longtemps après
que les voix se furent tues, Jeanne resta éveillée dans les ténèbres. Elle se
sentait libre et avait le cœur léger, comme si on venait de la soulager d’un écrasant
fardeau. Ce n’était pas sa faute si Matthieu était mort. Son désir d’apprendre
n’avait pas tué son frère, en dépit de ce que prétendait son père. Ce soir, à
entendre Asclepios, elle avait découvert que l’amour du savoir n’était ni un
péché, ni une abomination, mais la conséquence directe du don de Dieu qu’était
la raison. Je pense, donc Dieu est. Au plus profond de son âme, elle
ressentait la vérité de cette sentence.
    Les paroles d’Asclepios
venaient de répandre une vive lumière dans son cœur. J’essaierai de lui
parler demain. Peut- être aurai-je une chance de lui montrer que je sais lire.
    La perspective
était si alléchante qu’elle ne put se défaire de cette idée, et ne s’endormit
qu’à l’aube.
     
     
    Le lendemain
matin de bonne heure, sa mère envoya Jeanne dans les bois, afin de ramasser des
faînes et des glands pour les cochons. Pressée de rentrer pour revoir le docte
hôte de son père, Jeanne voulut se hâter d’expédier ses corvées. Mais sur la
terre d’automne couverte de feuilles mortes, les glands étaient difficiles à
trouver. Et il n’était pas question de rentrer avant que son panier ne fût
plein.
    Lorsqu’elle
revint, Asclepios s’apprêtait à partir.
    — J’espérais
que vous nous feriez l’honneur de dîner encore avec nous, disait le chanoine.
Je suis particulièrement intéressé par vos idées sur la Sainte Trinité. J’aimerais
approfondir le sujet.
    — Vous êtes
trop aimable, mais l’évêque m’attend dès ce soir à Mayence, et je suis
impatient de prendre mes nouvelles fonctions.
    — Bien sûr,
bien sûr. Toutefois... Vous n’avez pas oublié notre conversation à propos de
mon garçon. Consentirez-vous à rester pour assister à sa leçon ?
    — C’est bien
le moins que je puisse faire pour un hôte aussi généreux, répondit Asclepios
avec une politesse étudiée.
    Jeanne prit son ouvrage
de couture et s’installa à quelque distance sur une chaise, s’efforçant d’être
aussi discrète que possible afin de n’être pas renvoyée par son père.
    Point n’était
besoin de s’inquiéter. Le chanoine n’avait d’yeux que pour Jean. Espérant sans
doute impressionner son visiteur par l’étendue du savoir de son fils, il
commença la leçon en interrogeant Jean sur les règles de grammaire selon Donat.
C’était une erreur, la grammaire étant justement le point faible de son fils.
Comme il fallait s’y attendre, il s’en tira plus que médiocrement, confondant
ablatif et datif, écorchant ses verbes et s’avérant enfin incapable

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