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La Papesse Jeanne

La Papesse Jeanne

Titel: La Papesse Jeanne Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Donna Cross
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pouvoir sur Jeanne ne serait jamais plus grand qu’en cet instant. S’il s’en
servait, s’il la prenait tout de suite dans ses bras et s’il la couvrait de
baisers, elle accepterait de le suivre. Mais ce serait abuser de la situation.
Même si elle lui cédait, sa reddition risquait de ne pas durer. Il ne voulait
pas la forcer à faire un choix qu’elle pourrait regretter par la suite. Il
fallait qu’elle vînt à lui de son plein gré, ou qu’elle ne vînt pas.
    — Je te
comprends, murmura-t-il. Aussi je n’insisterai pas. Mais je veux que tu saches
quelque chose. Je ne te le dirai pas deux fois. Tu es ma femme, ma seule femme
sur cette terre, et je suis ton unique mari. Quoi qu’il arrive, quoi que le
temps et le destin nous réservent, nul n’y pourra rien changer.
    Ils se
rhabillèrent afin d’être prêts pour l’arrivée des secours, puis s’assirent l’un
contre l’autre. Jeanne posa son front contre l’épaule de Gerold. Ils étaient
encore dans cette position, totalement unis l’un à l’autre, lorsque le premier
bateau pointa sa proue au coin de la rue.
     
     
    Pendant qu’on les
ramenait vers la terre ferme, Jeanne garda obstinément la tête baissée, comme
pour prier. Sentant sur sa nuque le regard intrigué des gardes et craignant de
ne pas maîtriser ses sentiments, elle se garda de jeter le moindre coup d’œil à
Gerold.
    À leur
débarquement, ils furent sur-le-champ encerclés par une foule en liesse. Ils
eurent à peine le temps de s’adresser un ultime regard au moment où on les
soulevait de terre pour les porter en triomphe vers leurs appartements
respectifs.

28
    On l’appelait
maintenant Papa populi  – le pape du peuple. On ne cessait de
raconter comment elle s’était aventurée hors de son palais le jour de la grande
inondation, risquant sa vie pour en sauver d’autres. Où que Jeanne se rendît à
Rome, on l’accueillait avec frénésie. La chaussée, devant elle, était jonchée
de feuilles d’acanthe parfumées. Des gens se pressaient à toutes les fenêtres
pour la saluer. Jeanne tirait force et consolation de l’amour qu’on lui
manifestait. Sa vie était plus que jamais vouée aux Romains.
    Les optimates et
le haut clergé, en revanche, réprouvaient le comportement qu’elle avait eu lors
de la crue. Se ruer en personne au secours des pauvres dans une barcasse !
Voilà qui était grotesque, et surtout bien embarrassant pour l’Église et la
dignité pontificale ! Cette élite considérait Jeanne avec un désamour
croissant, amplifié par leurs différences : elle était une étrangère, ils
avaient grandi à Rome ; elle croyait à la puissance de la raison et de l’observation,
eux croyaient à celle des miracles et des saintes reliques ; elle recherchait
le progrès, ils préféraient rester attachés aux habitudes et aux traditions.
    La plupart d’entre
eux avaient rallié les rangs de la bureaucratie ecclésiastique dès l’enfance.
Parvenus à l’âge d’homme, ils étaient profondément imprégnés de la tradition du
Latran, et donc peu enclins aux réformes. À leurs yeux, il y avait une bonne et
une mauvaise façon de procéder  – la bonne étant celle qui avait toujours
prévalu.
    De manière assez
compréhensible, le style de gouvernement de Jeanne les déconcertait. Sitôt qu’elle
détectait un problème  – le manque de lits dans un hospice, l’iniquité d’un
dignitaire corrompu, une pénurie alimentaire  –, elle s’employait à le
résoudre. Elle se sentait fréquemment gênée par la bureaucratie papale, pesante
machine administrative qui au fil des siècles avait développé des ramifications
quasi labyrinthiques. Elle se composait de centaines d’offices, dont chacun
disposait d’une hiérarchie et de responsabilités propres auxquelles il tenait
jalousement.
    Dans son
impatience, Jeanne se débattait perpétuellement pour circonvenir la formidable
inefficacité d’ensemble du système. Par exemple, lorsque Gerold eut besoin de
fonds supplémentaires pour la poursuite des travaux de l’aqueduc, elle se
contenta de prélever la somme requise sur le trésor, sans se donner la peine de
suivre la procédure habituelle, qui consistait à déposer une requête au bureau
du sacellarius.
    Arsène, toujours
aux aguets, ne manqua pas de chercher à tirer profit de cette situation. Il s’empressa
d’aller trouver Victor, le sacellarius, et aborda prudemment le sujet.
    — Je crains
que Sa Sainteté n’ait pas

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