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La Papesse Jeanne

La Papesse Jeanne

Titel: La Papesse Jeanne Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Donna Cross
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d’un ton conciliant. Quel que soit le but de
Lothaire, il ne restera pas à Rome un jour de plus que nécessaire. Dès qu’il
sera reparti, je te suivrai.
    Gerold réfléchit
un instant.
    — Et à ce
moment-là, tu ne soulèveras plus d’objection ?
    — Aucune
objection, promit Jeanne.
     
     
    Le lendemain,
Jeanne prit place sur les marches de Saint-Pierre, tandis que Gerold partait à
cheval accueillir Lothaire. Des sentinelles avaient été postées tout le long du
mur léonin.
    Peu après, un cri
descendit des remparts.
    — L’empereur
est arrivé !
    Jeanne ordonna l’ouverture
de la porte San Peregrinus.
    Lothaire la
franchit le premier. Anastase chevauchait à son côté, effrontément paré de son
pallium de cardinal. Son visage aristocratique, au front haut, affichait une
fierté hautaine.
    Jeanne fit comme
si elle ne le voyait pas. Elle attendit sur les marches que l’empereur mît pied
à terre et vînt à elle.
    — Soyez le
bienvenu dans la sainte cité de Rome, sire, dit-elle en tendant sa main droite,
ornée de l’anneau pontifical.
    Lothaire ne s’agenouilla
pas, mais il courba les hanches, très raide, pour baiser le symbole de son
autorité spirituelle.
    Jusqu’ici, tout
va bien, se dit Jeanne.
    Le premier rang
des hommes de Lothaire s’ouvrit en deux, et elle aperçut Gerold. Son visage
était livide de rage. Une grosse corde lui liait les poignets.
    — Que
signifie cela ? interrogea Jeanne, cassante. Pourquoi le superista est-il
attaché ?
    — Il vient d’être
arrêté pour trahison, répondit Lothaire.
    — Trahison !
Le superista est mon plus fidèle serviteur. J’ai toute confiance en lui.
    Anastase
intervint pour la première fois.
    — Cette
trahison ne vous concerne pas, Votre Sainteté, mais l’empereur. Gerold est
accusé d’avoir conspiré pour livrer Rome aux mains des Grecs.
    — Absurde !
Qui a proféré cette accusation insensée ?
    À cet instant,
Daniel parut à cheval dans le dos d’Anastase et darda sur Jeanne un regard
plein de triomphale arrogance.
    — Moi,
lâcha-t-il.
     
     
    Plus tard, dans l’intimité
de sa chambre, Jeanne réfléchit longtemps au problème, en quête d’une solution.
Gerold et elle étaient victimes d’un complot diabolique. En sa qualité de
pontife, elle-même ne pouvait être jugée. Mais Gerold pouvait l’être  – et
s’il était déclaré coupable, elle serait fatalement éclaboussée. Ce plan était
évidemment l’œuvre d’Anastase.
    Je n’ai pas
encore dit mon dernier mot, pensa-t-elle, en redressant
fièrement le menton. Anastase pouvait bien se livrer à toutes les manœuvres
concevables. Il s’en prenait au pape, et le pape n’était pas à bout de
ressources.

29
    Le grand
triclinium, extension relativement récente du palais du Latran, n’en était pas
moins déjà chargé d’histoire. Les fresques qui ornaient ses murs étaient tout
juste sèches quand le pape Léon III et Charlemagne, le grand-père de Lothaire,
s’y étaient rencontrés avec leurs suites respectives pour sceller l’accord
légendaire qui, en élevant Charles du rang de roi de France à celui d’empereur
du Saint Empire romain, allait changer la face du monde.
    Les
cinquante-cinq années écoulées depuis ce jour n’avaient en rien émoussé la
splendeur du lieu. Ses trois vastes absides étaient pavées de marbre blanc et
bordées de fines colonnes de porphyre, aux ciselures d’une époustouflante
complexité. Quant aux murs, ils étaient couverts de fresques chatoyantes,
peintes de main de maître, représentant des scènes de la vie de l’apôtre
Pierre. Mais ces merveilles elles-mêmes étaient éclipsées par la grande
mosaïque adossée à la voûte de l’abside centrale. Saint Pierre y était
représenté sur un trône magnifique, la tête parée d’une auréole circulaire
 – la marque des saints. À sa droite étaient agenouillés le pape Léon et l’empereur
Charlemagne. Le front de chacun d’eux était ceint d’une auréole carrée, symbole
des vivants : tous deux vivaient encore lors de la construction du
triclinium.
    À l’avant de la
salle, Jeanne et Lothaire étaient juchés sur deux grands trônes incrustés de pierreries
et placés sedentes pariter, c’est-à-dire sur un pied d’égalité. Les deux
sièges avaient été prudemment installés côte à côte, et à même hauteur, de
façon qu’aucun d’eux ne dominât l’autre. Les archevêques, cardinaux, et abbés
de Rome étaient

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