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La Papesse Jeanne

La Papesse Jeanne

Titel: La Papesse Jeanne Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Donna Cross
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lâcha Jeanne. Mais
revenons à ton témoignage. Tu dis avoir entendu chaque mot de cette
conversation ?
    — Oui,
répondit lentement Daniel, méfiant.
    — Tu as l’ouïe
fine, magister militum. Je te prie de faire la démonstration de cette
extraordinaire acuité en renouvelant ton exploit.
    — Pardon ?
fit Daniel, hagard.
    — Prends
place derrière les portes comme tu le fis ce soir-là. Le superista dira
quelques mots. À ton retour, tu nous les répéteras...
    — Quel
artifice est-ce là ? s’indigna Anastase.
    Lothaire jeta sur
Jeanne un regard réprobateur.
    — Votre
Sainteté, l’usage de tours de jongleur risque fort d’entacher la solennité de
ce jugement.
    — Sire, ce n’est
pas un tour de jongleur que j’ai en tête, mais une mise à l’épreuve. Pour que
Daniel ait dit vrai, il faut qu’il soit capable d’entendre le superista aujourd’hui
comme alors.
    — Je
proteste, mon roi ! s’exclama Anastase. Un tel procédé est entièrement
contraire au droit coutumier !
    Lothaire
réfléchit. En un sens, Anastase avait raison. L’usage de preuves pour fonder ou
réfuter une accusation était une idée singulière. D’un autre côté, l’empereur n’avait
aucune raison de croire que Daniel mentait. Il réussirait à coup sûr la
curieuse épreuve imaginée par le pontife, ce qui ne ferait que renforcer la
crédibilité de son témoignage. Trop de choses dépendaient de l’issue de ce
procès pour que son déroulement pût prêter le flanc à des critiques
ultérieures.
    — Faites,
lâcha l’empereur avec un geste autoritaire.
    À contrecœur,
Daniel traversa la grande salle et alla se poster derrière les portes.
    Jeanne posa un
doigt en travers de ses lèvres pour faire signe à Gerold de garder le silence.
    — Ratio
in lege summa justitia est, prononça-t-elle d’une
voix forte. « La raison est la plus haute justice en matière de droit. »
    Elle ordonna
ensuite à un garde d’aller chercher Daniel.
    — Eh bien ?
interrogea-t-elle, sitôt que celui-ci fut revenu. Qu’as-tu entendu ?
    Pris de court,
Daniel chercha une réponse vraisemblable.
    — Le... le
superista a répété ses protestations d’innocence, finit-il par grommeler.
    Tous ceux qui s’étaient
avancés pour cautionner ses dires poussèrent des cris de désarroi. Écœuré,
Anastase détourna la tête. Les épais sourcils noirs de Lothaire se froncèrent
un peu plus.
    — Il n’a
rien été dit de tel, affirma Jeanne. D’ailleurs, ce n’est pas le superista qui
a parlé, mais moi seul.
    Daniel laissa
exploser sa colère.
    — Quelle
différence cela fait-il, après tout, si j’ai bien entendu ou non la
conversation en question ? Vos actes ont amplement montré de quel côté
penche votre sympathie ! N’avez-vous pas ordonné évêque le Grec Nicéphore ?
    — Ah !
s’exclama Jeanne. Voilà qui répond à la dernière des questions probatoires : Cur, c’est-à-dire pourquoi. Pourquoi as-tu menti à l’empereur en prétendant
avoir entendu ce dialogue ? Ce n’était point le désir de vérité qui t’animait,
Daniel, mais la seule envie, car tu convoitais cet évêché pour ton fils !
    — Honte à
lui ! s’écria une voix dans l’assistance, aussitôt reprise par d’autres.
    — Traître !
    — Menteur !
    — Fripon !
    Les témoins de
Daniel eux-mêmes se mirent à l’insulter, impatients de reprendre leurs
distances.
    Jeanne leva une
main pour ramener l’assemblée au silence. Chacun attendit, retenant son
souffle, qu’elle prononçât une sentence à l’encontre de Daniel. Pour un crime
aussi lourd, le châtiment se devait d’être sévère : à coup sûr, la langue
qui avait osé proférer de tels mensonges serait tranchée. Par la suite, Daniel
serait probablement écartelé.
    Mais Jeanne ne
tenait pas à lui faire payer un prix aussi élevé. Elle avait atteint son but en
innocentant Gerold. Daniel était un être détestable, aigri et cupide, mais
après tout, il n’était pas plus malfaisant que certains autres. En outre, elle
en était certaine, il n’avait été qu’un outil aux mains d’Anastase.
    — Magister
militum Daniel, déclara-t-elle d’un ton grave, à partir de cet instant, tu es
privé de ton titre, de tes terres et de tes privilèges. Tu devras quitter Rome
aujourd’hui même et resteras à jamais banni de la cité sainte et de ses
sanctuaires.
    L’assistance s’émerveilla
de ce déploiement inattendu de caritas. Eustathe,

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