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La Papesse Jeanne

La Papesse Jeanne

Titel: La Papesse Jeanne Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Donna Cross
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regard plein d’espoir.
    — Comme
ceci, répliqua son père, en posant une grosse main sur la sienne pour imprimer
à la lame un léger mouvement latéral.
    Une lettre
disparut.
    — Essaie
encore.
    Elle songea à
Asclepios, à ses longues heures d’écriture, à la foi qui illuminait ses yeux
lorsqu’il lui avait offert ce livre... Ses yeux s’emplirent de larmes, et sa vue
se brouilla.
    — Je vous en
prie, ne me forcez pas à... Père, je vous en supplie !
    — Ma fille,
par ta désobéissance, tu as gravement offensé notre Seigneur. En guise de
pénitence, tu devras travailler jour et nuit jusqu’à ce que ces pages soient
entièrement épurées de leur contenu sacrilège. Tant que ta tâche ne sera pas
achevée, tu n’auras droit qu’au pain sec et à l’eau. Quant à moi, je prierai
Dieu pour qu’il ait pitié de toi malgré l’atrocité de ton péché. Commence !
ordonna-t-il en désignant le livre.
    Jeanne plaqua la
lame contre le parchemin et fit comme son père le lui avait enseigné. Une
lettre pâlit, puis s’évanouit tout à fait. Elle déplaça légèrement la dague :
une seconde lettre disparut. Et encore une autre, puis une autre. Peu après, un
mot entier manquait sur la surface rugueuse du parchemin.
    La lame s’approcha
du mot suivant : aletheia, la vérité. Jeanne s’interrompit,
paralysée.
    — Continue !
    La vérité...
    Les courbes de l’écriture
se détachaient avec force sur le parchemin blême. Une bouffée de révolte s’empara
d’elle. Elle n’avait pas le droit.
    Elle reposa la
dague. Très lentement, elle leva la tête pour affronter le regard du chanoine.
La menace qu’elle y lut lui coupa le souffle.
    — Reprends
ce couteau, gronda-t-il.
    Jeanne voulut
parler, mais aucun mot ne franchit la barrière de sa gorge nouée. Elle secoua
la tête.
    — Fille d’Ève,
je vais t’apprendre à craindre les tortures de l’enfer ! Apporte-moi la
verge !
    Traînant les
pieds, Jeanne alla jusqu’au coin de la pièce et en rapporta l’odieuse cravache
noire que son père utilisait pour châtier ses enfants.
    — Prépare-toi,
ordonna le chanoine.
    Elle s’agenouilla
devant l’âtre. Très lentement, car ses mains tremblaient, elle dénoua son
manteau de laine grise et retira sa tunique de lin, exposant la chair nue de
son dos.
    — Récite le
Notre Père, souffla son père.
    — Notre
Père, qui es aux cieux...
    Le premier coup
la frappa entre les omoplates. Une vague de douleur s’éleva de sa nuque vers
les profondeurs de son crâne.
    — Que Ton
nom soit sanctifié...
    Le second coup
fut plus violent. Jeanne se mordit le bras pour ne pas pleurer. Elle avait
souvent été battue, mais jamais avec une telle force.
    — Que Ton
règne vienne...
    Le troisième coup
s’enfonça dans sa chair et fit jaillir le sang. Un liquide chaud inonda les
flancs de la fillette.
    — Que Ta
volonté soit faite...
    Le choc du
quatrième coup lui fit renverser la tête en arrière. Elle croisa le regard de
son frère, qui l’observait attentivement, les traits empreints d’une émotion
singulière. Qu’était-ce ? De la peur ? De la curiosité ? De la
pitié ?
    — Sur la
terre comme au...
    La verge s’abattit
encore. Une fraction de seconde avant que la douleur ne lui fît fermer les
yeux, Jeanne reconnut l’expression de Jean. Il exultait.
    — ... au
ciel. Donne-nous aujourd’hui...
    Nouveau coup,
encore plus lourd. Combien en avait-elle déjà reçu ? Jeanne fut prise de
vertige. Son père n’était jamais allé au-delà de cinq coups.
    Il frappa encore.
Loin, très loin, elle entendit quelqu’un hurler.
    — ... notre
pain de ce jour. Pardonne-nous nos offenses...
    Ses lèvres s’agitèrent,
mais les mots refusaient de sortir.
    Nouveau coup.
    Dans un éclair de
lucidité, Jeanne comprit soudain. Il ne s’arrêterait pas. Il n’existait plus de
limite. Son père allait la battre jusqu’à la mort.
    Nouveau coup.
    Le bourdonnement
qui emplissait ses tympans se fit assourdissant. Tout à coup, le silence
retomba, accompagné de ténèbres miséricordieuses.

6
    Pendant plusieurs
jours, le récit du supplice de Jeanne agita le hameau. Le chanoine avait failli
tuer sa fille à coups de cravache, et il serait certainement allé jusqu’au bout
si les hurlements de sa femme n’avaient pas alerté un groupe de villageois.
Trois hommes dans la force de l’âge n’avaient pas été de trop pour l’éloigner
de l’enfant.
    Ce n’était

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