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La Papesse Jeanne

La Papesse Jeanne

Titel: La Papesse Jeanne Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Donna Cross
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dis-je !
    — Non, Père,
non ! s’écria Jeanne. Ce n’est pas de sorcellerie qu’il s’agit, mais de
poésie ! Ce n’est qu’un poème écrit en grec, rien d’autre ! Je le jure !
    Le chanoine
voulut se saisir d’elle, mais elle l’esquiva et se faufila dans son dos. Il se
retourna, l’œil noir de menace.
    Il allait la
tuer.
    — Père !
Retournez-le ! Retournez ce livre, je vous en supplie ! Vous y verrez
du latin ! Du latin, Père !
    Le chanoine eut
un instant d’hésitation. Gudrun se hâta de lui apporter le manuscrit. Ses yeux,
toujours vrillés sur Jeanne, refusaient de se baisser.
    — S’il vous
plaît, Père ! Regardez seulement la fin du livre ! Lisez vous-même...
Ce n’est pas de la sorcellerie !
    Son père prit le
manuscrit des mains de Gudrun. Celle-ci souleva la chandelle et la maintint
au-dessus de la page ouverte. Il se pencha sur le texte, et ses épais sourcils
se froncèrent.
    — J’étudie
ce livre, enchaîna Jeanne, incapable de contenir le flot de paroles qui
jaillissaient de ses lèvres. Oui, je lis la nuit, afin que personne ne le
sache. Je savais bien que vous ne m’approuveriez pas. C’est un texte d’Homère.
L ’Iliade, un grand poème... Je ne suis pas une sorcière, Père,
ajouta-t-elle entre deux sanglots. Ce n’est pas de la sorcellerie !
    Le chanoine ne
lui prêtait aucune attention. Il lisait d’un air concentré, les yeux rivés sur
la page, les lèvres en perpétuel mouvement. Enfin, il releva la tête.
    — Dieu soit
loué, déclara-t-il, il ne s’agit pas de sorcellerie. Mais ceci est l’œuvre d’un
païen sans vergogne, et constitue une grave offense envers notre Seigneur.
    Il se tourna vers
Gudrun.
    — Ravive le
feu, femme. Cette abomination doit être détruite.
    Jeanne poussa un
cri. Brûler le livre d’Asclepios !
    — Père, ce
manuscrit est précieux ! Il se monnaierait en or. Nous pourrions en tirer
un bon prix, ou peut-être... en faire don à la bibliothèque épiscopale !
    — Perverse
créature, tu es si profondément vautrée dans le péché que c’est un miracle que
tu ne t’y sois pas encore noyée. Ce n’est pas là présent digne d’un évêque, ni
de quelque âme chrétienne que ce soit !
    Gudrun s’avança
vers le tas de bois et choisit quelques bûches. Jeanne la suivit des yeux avec
désespoir. Elle n’avait pas le droit de laisser commettre pareil crime. Si
seulement l’épouvantable douleur qui lui vrillait le crâne lui laissait un
instant de répit !
    Ayant remué les
braises de l’âtre, Gudrun entreprit d’y disposer les bûches.
    — Un
instant, lâcha soudain le chanoine. Laisse ce feu.
    Il caressa les
pages du manuscrit d’un air concupiscent.
    — Il est
vrai que ce parchemin a de la valeur, dit-il. Mieux vaut le réutiliser.
    Sur ce, il posa l’ouvrage
sur le pupitre et disparut dans l’autre pièce.
    Jeanne lança un
regard interrogateur à sa mère, qui haussa les épaules. À sa gauche, Jean était
assis, très raide, sur la paillasse. Réveillé par le vacarme, il regardait sa
sœur avec des yeux écarquillés.
    Le maître des
lieux revint. Sa main serrait un objet long et étincelant. Sa dague de chasse à
manche d’os... Comme toujours, sa vision emplit Jeanne de terreur. L’ombre
incertaine d’un souvenir enfoui effleura sa conscience, puis s’en fut avant qu’elle
ait pu l’identifier.
    Son père s’assit
devant le pupitre. Orientant son arme de manière à placer son tranchant au
contact de la page, il gratta la surface du parchemin. Une lettre disparut. Il
émit un petit grognement de satisfaction.
    — Je le
savais, marmonna-t-il. Je l’ai vu faire autrefois, au monastère de Corbie. Par
la suite, quand le parchemin est redevenu vierge, on peut écrire dessus un
autre texte. Et maintenant, ajouta-t-il avec un geste péremptoire en direction
de sa fille, à toi de continuer.
    Tel serait donc
son châtiment. De sa propre main, elle allait devoir détruire l’œuvre d’Asclepios,
effaçant d’un seul mouvement un savoir qui lui était interdit et la totalité de
ses espérances.
    Le regard de son
père luisait d’une écœurante expectative.
    Impassible, elle
prit le couteau qu’il lui tendait et s’assit face au pupitre. Elle contempla
longtemps la page. Ensuite, tenant l’arme comme l’avait fait son père, elle fit
glisser lentement la lame contre le parchemin.
    Rien ne se
produisit.
    — Je n’y
arrive pas, dit-elle, levant sur le chanoine un

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