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La Papesse Jeanne

La Papesse Jeanne

Titel: La Papesse Jeanne Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Donna Cross
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les partager, comme par le passé. Mais d’abord, il faut que tu récupères. Bois
ce potage. C’est une recette saxonne, il te rendra des forces.
    Elle approcha la
cuiller de bois de la bouche de sa fille. Trop faible pour résister, Jeanne
laissa sa mère verser un peu de soupe entre ses lèvres. Le goût était agréable,
chaud, riche, réconfortant. Malgré elle, son appétit s’éveilla.
    — Ma petite
caille, mon ange chéri... la cajola Gudrun.
    Elle trempa sa
cuiller dans le bol et la présenta à Jeanne, qui but une seconde gorgée.
    Puis la voix de
sa mère s’éleva doucement pour chanter une mélodie saxonne. Charmée par son
chant et ses caresses, Jeanne sombra peu à peu dans le sommeil.
     
     
    Une fois la
fièvre vaincue, le jeune corps de Jeanne reprit promptement des forces. Une
demi-lune plus tard, elle était sur pied. Ses blessures étaient refermées.
Cependant, il était clair qu’elle en conserverait les marques jusqu’à son
dernier souffle. Gudrun se lamenta plus d’une fois sur les longues zébrures
noirâtres qui enlaidissaient le dos de sa fille, mais Jeanne n’en avait cure.
En vérité, elle ne se souciait plus de rien. Ayant perdu tout espoir, elle se
contentait d’exister.
    Elle passait
maintenant tout son temps en compagnie de sa mère, se levant à l’aube pour l’aider
à nourrir les porcs et les poules, à recueillir les œufs, à ramasser du bois
pour l’âtre, et à rapporter du ruisseau d’innombrables et lourds seaux d’eau.
Une fois ces corvées accomplies, elles s’affairaient côte à côte pour préparer
le repas.
    Un jour, tandis
qu’elles pétrissaient la pâte à pain  – la levure n’était guère employée
dans cette région du pays franc  –, Jeanne demanda à brûle-pourpoint à sa
mère :
    — Pourquoi l’avez-vous
épousé ?
    La question prit
Gudrun au dépourvu. Elle hésita avant de répondre :
    — Tu ne
saurais concevoir ce que nous avons enduré quand les armées de Charles sont
arrivées.
    — Je sais ce
qu’elles ont fait subir à votre peuple, Mère. Ce que je ne comprends pas, en
revanche, c’est pourquoi, après avoir tant souffert, vous avez suivi un ennemi.
    Gudrun ne
répondit pas.
    Je l’ai
offensée, se dit Jeanne. Elle ne dira plus rien.
    — Quand l’hiver
est venu, lâcha enfin sa mère, le regard lointain, nous avons connu la famine,
car les chrétiens avaient tout brûlé, nos champs comme nos maisons. Nous nous
sommes mis à manger tout ce qui nous tombait sous la main  – herbes, chardons,
jusqu’aux graines que nous trouvions dans les crottes du bétail. Nous étions au
bord de la mort lorsque ton père est arrivé, parmi d’autres missionnaires. Ils
étaient différents des soldats. Ils n’avaient pas d’épée, aucune arme, et ils
nous ont traités comme des gens, non comme des bêtes sauvages. Ils nous ont
donné à manger en échange de notre promesse de les écouter prêcher la parole du
Dieu chrétien.
    — La foi
contre du pain ? dit Jeanne. Voilà un bien pauvre expédient pour gagner l’âme
d’autrui.
    — J’étais
jeune, impressionnable, et surtout ivre de faim, de peur et de misère. Il faut
que leur Dieu soit plus grand que les nôtres, me disais-je. Sinon, comment
auraient-ils réussi à nous anéantir ? Ton père a vite manifesté un intérêt
particulier pour ma personne. Il fondait de grands espoirs sur moi, disait- il,
malgré mes origines païennes. Il affirmait ne pas douter de ma capacité à
comprendre la Vraie Foi. À la façon dont il me dévisageait, j’ai su qu’il me
désirait. Quand il m’a demandé de le suivre, j’ai accepté. Il m’offrait la vie
à un moment où la mort rôdait partout. Il ne m’a pas fallu longtemps, ajouta-
t-elle dans un murmure, pour comprendre l’étendue de mon erreur.
    Ses yeux
brillaient de larmes contenues. Jeanne la serra dans ses bras.
    — Ne pleurez
pas, Mère.
    — Il faut
que tu tires la leçon de mon égarement, reprit Gudrun, exaltée. Surtout, ne va
pas répéter la même erreur. Se marier revient à renoncer à tout  – non
seulement à son corps, mais aussi à sa fierté, à son indépendance, à sa vie même.
Me comprends-tu ? ajouta-t-elle, agrippant le bras de Jeanne. Si tu nourris
l’espoir d’être un jour heureuse, ma fille, retiens mes paroles : ne te
donne jamais à aucun homme !
    Jeanne fut
parcourue d’un violent frisson. Le souvenir de la morsure de la verge
paternelle venait de la

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