Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
La Papesse Jeanne

La Papesse Jeanne

Titel: La Papesse Jeanne Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Donna Cross
Vom Netzwerk:
répondit
Judith, toujours en latin. Je désire seulement allumer un cierge en cette
église à la mémoire de mon enfant défunt. Je repartirai aussitôt.
    — Ah !
Dans ce cas, ma fille, il est de mon devoir de vous avertir que vous ne pourrez
franchir ces portes tant que vous serez... impure.
    Les joues de
Judith s’enflammèrent, mais elle ne perdit pas pour autant contenance.
    — Je connais
la loi, mon père. J’ai pris soin d’attendre les trente-trois jours requis après
la naissance.
    — Cet...
enfant dont vous avez accouché était une fille, n’est-ce pas ? demanda
Frère Hildwin d’un ton condescendant.
    — Oui.
    — Dans ce
cas, le délai de... d’impureté est augmenté. Vous ne pourrez pénétrer dans l’enceinte
sacrée de cette église que soixante-six jours après la délivrance.
    — Où cette
loi est-elle écrite ? Je ne l’ai point lue.
    — Et mieux
vaut que vous ne la lisiez point. Vous êtes une femme.
    Jeanne était
indignée de l’effronterie de Hildwin. Le poids de sa propre expérience lui fit
ressentir dans sa chair l’humiliation de Judith. Le savoir, l’intelligence, la
naissance de cette femme semblaient compter pour rien. Alors que le plus vil
des manants, ignorant et crotté, pouvait pénétrer dans cette église à son aise,
Judith était considérée comme « impure » et n’en avait pas le droit.
    — Rentrez
chez vous, ma fille, poursuivit Frère Hildwin, et priez plutôt en votre
chapelle privée pour l’âme de cet enfant, qui n’a point connu le baptême. N’oubliez
pas que le Seigneur a en horreur tout ce qui est contre nature. Laissez votre
plume et remplacez-la par un fuseau, qui est un objet propre à l’activité
féminine. Peut-être Dieu consentira-t-il ensuite à vous soulager du fardeau qu’il
vous a imposé.
    Judith rougit de
plus belle.
    — Cet
affront ne restera pas sans réponse. Mon époux en sera informé, et il n’appréciera
pas.
    Il s’agissait
surtout de sauver la face : l’autorité temporelle du vicomte ne s’étendait
pas à l’abbaye, et Judith le savait fort bien. Menton haut, elle fit demi-tour
et revint vers son escorte.
    Tout à coup,
Jeanne se détacha du petit groupe de novices.
    — Donnez-moi
votre cierge, ma dame, et je l’allumerai pour vous.
    Une lueur de
surprise et de défiance passa dans les beaux yeux sombres de Judith.
Cherchait-on à l’humilier davantage ?
    Pendant un
interminable moment, les deux femmes restèrent face à face : Judith,
incarnation de la beauté féminine dans sa tunique brodée d’or, et Jeanne, un
peu plus grande, sans apprêt, presque masculine dans son austère robe de bure.
    Quelque chose
dans le regard gris-vert qui soutenait le sien finit par convaincre la
vicomtesse. Sans un mot, elle plaça son cierge dans la main tendue de Jeanne.
Puis elle remonta à cheval et s’en fut.
    Comme promis,
Jeanne alla allumer le cierge devant l’autel. Le sacristain était furieux.
    — Petit
impertinent ! cingla-t-il quand elle passa à sa hauteur.
    Cette nuit-là, à
la grande joie de Frère Thomas, Jeanne fut condamnée à jeûner pour expier sa
faute.
     
     
    À la suite de cet
épisode, elle fit un prodigieux effort pour chasser Gerold de ses pensées.
Jamais elle ne se contenterait de vivre l’existence limitée d’une épouse. En
outre, ses rapports avec Gerold n’étaient pas ceux qu’elle s’était imaginés à l’origine.
Elle n’était alors qu’une enfant, inexpérimentée et candide. Son amour était un
pur mirage, né de la solitude et du besoin d’être aimée. Or, si Gerold l’avait
aimée, il ne serait pas parti au loin.
    Aegra amans, se dit-elle. Virgile avait mille fois raison : l’amour était
bel et bien une maladie. Il transformait les gens, les forçait à adopter des
comportements aussi singuliers que déraisonnables. Elle avait tout intérêt à se
débarrasser d’un sentiment aussi pesant.
    Ne te donne
jamais à aucun homme. L’avertissement de sa mère
lui revint soudain en mémoire. Dans la ferveur de sa passion enfantine, elle l’avait
oublié. Elle comprenait maintenant à quel point elle était chanceuse d’avoir
échappé au sort de sa mère.
    Jour après jour,
Jeanne se répéta tant de fois ces choses qu’elle en vint à les croire.

15
    Les moines
étaient rassemblés dans la salle du chapitre, assis par ordre d’ancienneté sur
les bancs de pierre qui couraient le long des murs. En dehors des offices
religieux, cette réunion

Weitere Kostenlose Bücher