La parfaite Lumiere
d’une conduite aussi raffinée que
les élégants courtisans de Kyoto. Mais sa surprise ne se reflétait pas dans ses
yeux tandis qu’il regardait. Glissant ses pieds encore humides à l’intérieur de
ses zōri, Tadatoshi considéra Kakubei, lequel attendait à l’écart.
L’air de quelqu’un qui soudain se rappelle une promesse, il déclara :
— ... Allons, Kakubei, je
vais voir votre homme.
Il fit apporter et placer à
l’ombre d’un dais un tabouret où il s’assit devant une bannière à ses armes, un
cercle entouré de huit cercles plus petits, représentant le soleil, la lune et
les sept planètes. Sur un signe de Kakubei, Kojirō s’avança et
s’agenouilla devant le seigneur Tadatoshi. Aussitôt après les salutations
protocolaires, Tadatoshi invita Kojirō à s’asseoir sur un tabouret, le
traitant de la sorte en hôte d’honneur.
— Avec votre permission, dit
Kojirō en se levant pour s’asseoir en face de Tadatoshi.
— Kakubei m’a parlé de vous.
Vous êtes né à Iwakuni, c’est bien cela ?
— C’est exact, messire.
— Le seigneur Kakkawa Hiroie
d’Iwakuni était célèbre pour la sagesse et la noblesse de son gouvernement. Vos
ancêtres faisaient-ils partie de sa suite ?
— Non, jamais nous n’avons
servi la Maison de Kakkawa. L’on m’a dit que nous descendions des Sasaki de la
province d’Omi. Après la chute du dernier shōgun Ashikaga, il semble que
mon père se soit retiré au village de ma mère.
Après quelques autres questions
concernant la famille et la généalogie, le seigneur Tadatoshi demanda :
— C’est la première fois que
vous prendrez du service ?
— Je ne sais pas encore si je
vais prendre du service.
— J’ai cru comprendre, à ce
que m’a dit Kakubei, que vous souhaitiez servir la Maison de Hosokawa. Quelles
sont vos raisons ?
— Je crois que c’est une
Maison pour laquelle je vivrais et mourrais volontiers.
Cette réponse parut plaire à
Tadatoshi.
— Et votre style de
combat ?...
— Je le nomme le style Ganryū.
— Ganryū ?
— C’est un style que j’ai
moi-même inventé.
— Je suppose qu’il a des
antécédents.
— J’ai étudié le style
Tomita, et profité des leçons du seigneur Katayama Hisayasu de Hōki,
lequel en son vieil âge s’est retiré à Iwakuni. J’ai aussi maîtrisé seul de
nombreuses techniques. J’avais coutume de m’exercer à abattre des hirondelles à
la volée.
— Je vois. Je suppose que le
nom de Ganryū vient de celui de la rivière proche de votre lieu de
naissance.
— Oui, messire.
— J’aimerais assister à une
démonstration.
Tadatoshi promena les yeux sur les
visages de ses samouraïs qui l’entouraient.
— ... Lequel d’entre vous
aimerait se mesurer à cet homme ?
Ils avaient assisté en silence à
l’entrevue, se disant que Kojirō était remarquablement jeune pour avoir acquis
la réputation dont il jouissait. Maintenant, tous se regardèrent d’abord l’un
l’autre, puis regardèrent Kojirō dont les joues en feu proclamaient sa
volonté d’affronter n’importe quel adversaire.
— ... Toi par exemple,
Okatani ?
— Bien, messire.
— Tu n’arrêtes pas de
prétendre que la lance est supérieure à l’épée. Voilà une occasion de le
prouver.
— Avec plaisir, si Sasaki le
veut bien.
— Certes, répondit avec
empressement Kojirō.
Dans le ton de sa voix, poli mais
d’une extrême froideur, il y avait une nuance de cruauté. Les samouraïs qui
avaient balayé le sable du champ de tir à l’arc et rangé l’équipement se rassemblèrent
derrière leur maître. Les armes avaient beau leur être aussi familières que
leurs baguettes de table, ils possédaient surtout l’expérience du dōjō.
L’occasion d’assister à un combat réel, encore bien moins d’y prendre part, ne
se présenterait que de rares fois dans toute leur existence. Ils eussent admis
volontiers qu’un combat singulier constituait une épreuve plus grande que
d’aller sur le champ de bataille, où un homme pouvait parfois s’arrêter pour
reprendre haleine tandis que ses camarades continuaient à se battre. Dans un
combat singulier, l’homme ne pouvait compter que sur lui-même, sur sa propre
vigilance et ses propres forces, du début à la fin. Ou bien il gagnait, ou bien
il était tué ou estropié.
Ils regardaient d’un air solennel
Okatani Gorōji. Même chez les derniers des fantassins, bon nombre étaient
habiles à la lance ;
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