La parfaite Lumiere
et s’accroupit sur ses talons.
— Connaissez-vous une femme
appelée Ogin ? demanda-t-il.
— Vous voulez dire la sœur de
Musashi ?
Mambei acquiesça énergiquement du
chef.
— Je l’ai rencontrée au
village de Mikazuki, dans le Sayo. Par hasard, j’ai cité votre nom. Elle a paru
très surprise.
— Lui avez-vous dit où
j’étais ?
— Oui. Je ne voyais aucun mal
à ça.
— Où donc habite-t-elle,
maintenant ?
— Chez un samouraï du nom de
Hirata... un parent à elle, je crois. Elle dit qu’elle aimerait beaucoup vous
voir. Elle a répété plusieurs fois combien vous lui manquiez, qu’elle avait tant
de choses à vous raconter ! Certaines de ces choses étaient secrètes,
qu’elle disait. Je croyais qu’elle allait se mettre à pleurer.
Les yeux d’Otsū rougirent.
— ... Là, au milieu de la
route, ce n’était pas un endroit pour écrire une lettre, bien sûr ; aussi,
m’a-t-elle chargé de vous dire d’aller à Mikazuki. Elle a ajouté qu’elle
aimerait venir ici mais ne le pouvait pour le moment.
Mambei fit une pause.
— ... Elle n’est pas entrée
dans les détails, mais elle a déclaré qu’elle avait des nouvelles de Musashi.
Il ajouta qu’il se rendait à
Mikazuki le lendemain, et lui proposa de l’accompagner. Bien qu’Otsū y fût
décidée aussitôt, elle croyait devoir en discuter avec l’épouse du teinturier.
— Je vous donnerai ce soir la
réponse, dit-elle.
— Parfait. Si vous décidez
d’y aller, nous devrons partir de bonne heure.
Tandis que Mambei franchissait la
porte, un jeune samouraï qui jusqu’alors était assis sur la plage se leva pour
le regarder de ses yeux perçants, comme afin de vérifier ce qu’il pensait de
l’homme. Elégamment vêtu, coiffé d’un chapeau de paille tressée en forme de
feuille de ginkgo, il paraissait âgé de dix-huit ou dix-neuf ans. Quand le
marchand de chanvre eut disparu, il se retourna pour contempler la maison du
teinturier.
Malgré l’excitation provoquée par
les nouvelles de Musashi, Otsū ramassa son maillet et reprit son travail.
Le bruit d’autres maillets, accompagné de chants, flottait dans l’air. Aucun
son ne sortait des lèvres d’Otsū tandis qu’elle travaillait, mais dans son
cœur elle chantait son amour pour Musashi. Elle chuchotait en silence un poème
extrait d’un recueil ancien :
Depuis
notre première rencontre,
Mon
amour est plus profond
Que
celui des autres,
Sans
pourtant égaler les teintes
Du
linge de Shikama.
Elle était sûre que si elle allait
voir Ogin, elle apprendrait où se trouvait Musashi. Et Ogin était femme, elle
aussi. Il serait facile de lui dire ses sentiments.
Les bruits de son maillet
ralentirent jusqu’à un rythme presque languide. Otsū était plus heureuse
qu’elle ne l’avait été depuis longtemps. Elle comprenait les sentiments du
poète. Souvent, la mer paraissait mélancolique, étrangère ; ce jour-là,
elle était éblouissante, et les vagues, bien que douces, semblaient éclater
d’espérance.
Elle pendit le linge sur une haute
perche à sécher, et, le cœur toujours chantant, sortit par la porte ouverte. Du
coin de l’œil elle aperçut le jeune samouraï qui se promenait sans hâte au bord
de l’eau. Elle ignorait tout à fait qui c’était ; il n’en retint pas moins
son attention, et elle ne remarqua rien d’autre, pas même un oiseau porté par
la brise saline.
Ils n’allaient pas très
loin ; même une femme pouvait couvrir à pied sans difficulté la distance,
en s’arrêtant une seule fois en route. Il était maintenant près de midi.
— Je regrette de vous causer
tous ces ennuis, dit Otsū.
— Il n’y a aucun ennui. Vous
avez de bonnes jambes, à ce qu’il semble, dit Mambei.
— J’ai l’habitude des
voyages.
— J’ai appris que vous étiez
allée à Edo. C’est un vrai voyage pour une femme seule.
— C’est la femme du
teinturier qui vous a dit ça ?
— Oui. Je sais tout. Les gens
de Miyamoto en parlent aussi.
— Ah ! vraiment, dit Otsū
avec un léger froncement de sourcils. C’est bien gênant.
— Vous n’avez pas à être
gênée. Si vous aimez autant quelqu’un, qui peut dire si l’on doit vous plaindre
ou vous féliciter ? Mais il me semble que ce Musashi a le cœur un peu
froid.
— Oh ! non... pas du
tout.
— Vous ne lui en voulez pas
de la façon dont il s’est comporté ?
— C’est ma faute. Son
entraînement, sa
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