Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
La passagère du France

La passagère du France

Titel: La passagère du France Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Bernadette Pecassou-Camebrac
Vom Netzwerk:
Elle savait que Sophie n’aimait pas particulièrement l’eau.
    — Tu es sûre de vouloir nager à cette heure ?
    — Mais oui, il faut profiter de tout !
    Sophie se disait que l’eau la calmerait. Elle fulminait. Des inconnus qui se trucident dans les couloirs, des confrères qui se prennent pour Albert Londres, des séducteurs menteurs et manipulateurs ! Pas question de se laisser gâcher le voyage ! Elle décida de ne plus rien dire, de ne plus rien entendre et de ne faire qu’une seule chose : vivre entièrement le plaisir d’être là. Il restait quatre jours de traversée, il fallait fuir impérativement toutes ces complications.

 
    22
    Gérard et Andrei avaient terminé de boire leur café et fumaient une cigarette dans la salle de repos du personnel. À l’arrière du navire, au niveau du pont principal, la vue sur l’océan était dégagée. Gérard regardait fixement par-delà les vitres l’horizon gris de la surface des eaux, et il y voyait comme un mauvais présage. Comme sa soeur Chantal, Gérard était un peu superstitieux. Et comme elle, il ne voulait pas trop que ça se sache. Les copains du syndicat les auraient chambrés. C’était leur secrète complicité à Chantal et à lui. Quand le sort s’acharnait, ils croisaient les doigts et lançaient une prière au ciel. Ils se disaient que d’y croire ne faisait de mal à personne.
    Andrei semblait nerveux et agacé. Dans la salle voisine, de jeunes grooms jouaient au baby-foot et d’autres tapaient au ping-pong. Ils faisaient un boucan terrible, sautaient comme des cabris, hurlaient et poussaient des cris chaque fois qu’ils marquaient un but, s’invectivant et s’encourageant tour à tour.
    — Ils ne peuvent pas la boucler un peu ! lâcha Andrei qui avait en horreur l’euphorie des jeux collectifs.
    — Laisse, ils sont heureux, c’est bien.
    — Cette salle est faite pour le repos, pas pour gueuler.
    — Oui, mais celle d’à côté est prévue pour jouer, tu ne peux pas l’empêcher. Ils se défoulent.
    — Ils se défoulent de quoi ?
    Gérard ne releva pas. Andrei n’était pas comme d’habitude. Qu’est-ce qu’il lui prenait de s’énerver contre ces gosses ? Ça ne lui ressemblait pas.
    Andrei se leva pour aller claquer la porte de communication entre les deux salles. Les jeux et les cris des jeunes grooms s’atténuèrent. Après son geste, il parut calmé.
    Une heure avant, le délégué syndical était venu essayer de comprendre d’où venait le sang qu’on avait trouvé sur la moquette et qui semblait provenir de la chaufferie. Mais il était reparti sans explications. Depuis ils n’avaient eu aucun autre écho des événements de la nuit.
    — C’est impossible qu’ils ne disent rien, dit Andrei.
    — Ça va venir, lâcha Gérard. De toute façon si ça tourne mal, j’accepterai la décision qu’ils prendront. Je mérite ce qui m’arrive.
    Andrei blêmit.
    — Tu mérites quoi ? Sa voix s’était durcie.
    — De quoi tu t’accuses avant même qu’on te reproche quoi que ce soit ? Tais-toi et ne dis plus rien ! C’est ce qu’on a décidé de faire cette nuit avec l’équipe et c’est ce qu’on a dit à Francis tout à l’heure, non ? On n’y revient pas.
    Gérard baissa la tête. La veille, après l’accident, Andrei avait parlé aux dix de la bordée. Il revit la scène de la nuit quand ils étaient descendus dans la chaufferie après l’accident.
    — On n’a rien compris quand on vous a vus filer, avait dit l’un. On n’avait rien entendu.
    — Lancer des bouteilles contre la coque ! avait enchaîné un autre après qu’Andrei leur eut tout raconté. Mais ils sont malades ou quoi !
    — S’ils commencent comme ça, notre France, d’ici peu, sera une vraie poubelle. Faut pas les laisser faire, Gérard a eu raison de mettre le nez dehors pour voir ce qui se passait, sinon on n’aurait jamais rien su de cette histoire de bouteilles !
    Andrei avait sauté sur l’occasion :
    — Justement, il ne faudrait pas que Gérard soit sanctionné à la place des autres !
    — Et pourquoi serait-il sanctionné ? avait demandé un marin.
    — Parce que ce sera plus simple pour tout le monde.
    — Pas sûr.
    — Si, justement, vous savez bien comment ça fonctionne. Une victime, un coupable. Ils vont demander qui est blessé et qui est allé mettre ce sang partout dans la coursive des premières. Normalement, on ne doit pas y mettre les pieds. Alors, pour qu’ils

Weitere Kostenlose Bücher