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La passagère du France

La passagère du France

Titel: La passagère du France Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Bernadette Pecassou-Camebrac
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tombe « de Lalique en formica ». Moi je pensais qu’on aurait des belles boiseries cirées, du laiton doré et des cuivres lustrés. Tu parles ! Du vulgaire métal ; je ne m’y fais pas. Ce n’est pas ça, le luxe !
    Encore ce ton péremptoire de celle qui sait tout et détient les clés du bon goût ! Il suffisait que Béatrice enfourche ses grandes théories pour que Sophie ait immédiatement envie de dire le contraire. Pourtant, malgré son enthousiasme, elle aussi était un peu perplexe. Les portes, les meubles, les cloisons, les chaises, les fauteuils, les tables, les bars, tout ce que Sophie avait approché et touché était en métal. Beaucoup d’aluminium, et des tissus synthétiques qui donnaient un ensemble élégant, certes, mais un peu froid.
    Pourtant, contrairement à Béatrice qui râlait et critiquait, elle trouvait que l’impression de légèreté qui se dégageait de tout cet ensemble était absolument inédite. Ici, pas de cuivres ni de boiseries à lustrer et re-lustrer éternellement. Pas de lourdes tentures, pas de meubles impossibles à remuer. Seulement des voilages aériens, des tiroirs qui glissaient quand on les tirait d’un seul doigt, des portes de dressing coulissant à merveille, des téléphones à portée de main et des images du monde qui arrivaient dans toutes les cabines sur des téléviseurs. Les progrès étaient considérables. Le quotidien en était complètement transformé. Comment ne pas être sensible à cet air vivifiant !
    À ce stade du voyage et de sa visite, Sophie ne comprenait pas que Béatrice ne soit pas gagnée par l’énergie qui circulait sur le France. Elle, elle ressentait comme le navire était exceptionnel. En balayant les matériaux lourds et anciens, il balayait le passé fait de guerres, d’ombres et de nuits. Il était léger, il était la couleur, la lumière et la vie. Le France, c’était l’espoir, l’avenir !

 
    26
    — Ah, mesdemoiselles ! Enfin ! Je vous cherchais partout !
    Un jeune groom les attendait impatiemment devant la porte de leur cabine.
    — Que se passe-t-il ? fit Sophie, inquiète en repensant à l’affaire de la nuit.
    Mais le groom la détrompa.
    — Une excellente nouvelle. On vous transfère en première classe !
    — En première, hurla Béatrice. Waooouhhhh, enfin ! En première avec les gens importants et... riches !
    — Oui, sourit le groom, surpris de cette franchise, et ce n’est pas fini. Vous allez être très gâtées.
    Il reprit son souffle et les deux amies comprirent que la nouvelle était d’importance. Il les regardait d’un oeil admiratif, comme si ce qu’il allait leur annoncer changeait jusqu’au regard qu’il portait sur elle.
    — On vous transfère dans une cabine du Patio, au Sundeck !
    — Au Sundeck !
    Cette fois Sophie hurla de joie en même temps que Béatrice. Quelle nouvelle !
    Elles allaient loger au Sundeck ! Au Patio ! Mais comment cela était-il possible ? Et pourquoi elles ?
    Ce fameux « Patio » était situé au coeur du navire, au plus haut, sur le neuvième pont. C’était un espace intime et dérobé aux regards, ouvert entre les deux cheminées.
    Huit cabines y donnaient et il avait fait l’objet de toutes les attentions. Critiqué ou porté aux nues, selon les goûts, en raison d’une décoration hispanisante due à un certain Ducrocq, c’était un lieu qui fascinait, en raison même de ce caractère à part, en plus de sa situation unique.
    — Vous allez être logées au pont des officiers et de l’état-major. Là où tout le monde veut être. Quelle chance vous avez !
    Sophie n’en revenait pas. Elle serait logée près des officiers. C’était inespéré, presque trop beau. Elle avait souvent repensé dans la journée à l’officier de la nuit, elle entendait encore sa voix calme lui disant de ne pas avoir peur et elle ne put s’empêcher de souhaiter le revoir. Peut-être le croiserait-elle, maintenant qu’elle serait là-haut. Mais elle se dit aussitôt qu’il devait être très occupé, et qu’il avait dû déjà l’oublier. Idée soudaine qui, en y réfléchissant, lui fut extrêmement désagréable.
    — Quand change-t-on de cabine ? demanda-t-elle, soudain pressée.
    — Maintenant.
    — Non, ce n’est pas possible ? Si vite ?
    — Oui, à quoi bon traîner ?
    Le groom avait le sourire aux lèvres, il avait l’air sérieux. Elles se précipitèrent à l’intérieur de leur cabine, prêtes à faire leurs

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