La Perle de l'empereur
que j’exerce c’est plus fréquent que vous ne le croyez, mais on dirait que cet objet est particulièrement redoutable. Ce matin j’ai été éveillé aux aurores par Maître Lair-Dubreuil…
— … qui a été victime cette nuit d’une tentative de cambriolage. Si on peut appeler ça comme ça ! Il s’agissait surtout de lui faire peur en lui laissant un message du fou qui ose signer Napoléon VI. S’il veut éviter d’en répondre sur sa vie, il doit remettre la perle à son propriétaire ou à celui qui l’a mise en vente. Alors il vous a appelé ?
— C’est exact et moi, maintenant, je viens vous voir parce que j’en ai assez de cette histoire, commissaire ! Mes affaires me réclament et je voudrais bien revoir Venise.
— Vous auriez pu le faire plus tôt. Il suffisait de me dire la vérité au lieu de jouer à cache-cache avec moi. Mais, pour la bonne règle, revenons un peu en arrière : c’est bien cela que les assassins de Piotr Vassilievich cherchaient chez lui ?
— En effet. Sa sœur voulait me la confier pour que je la vende. Nous l’avons trouvée ensemble et vous connaissez la suite. Sachant que son dernier propriétaire légal était le prince Youssoupoff, je suis allé chez lui pour la lui rendre mais il n’en a pas voulu. C’est un homme… extrêmement séduisant et un peu étrange…
— Je l’ai rencontré et je suis pleinement d’accord avec vous. Je sais aussi qu’il a vendu certains des joyaux emportés par lui de Russie et, si je vous suis bien, il a refusé celui-ci ? Mais pourquoi ?
— Il n’a pas voulu y toucher. Superstition ou prémonition, toujours est-il qu’il m’a dit de m’en charger et de le vendre au plus vite, l’argent récolté devant servir à alléger la misère de ses compatriotes et assurer le sort du petit Le Bret, le jeune garçon qui a osé suivre les ravisseurs du tzigane. Je suis donc reparti avec et je l’ai confiée à Maître Lair-Dubreuil. Et voilà où nous en sommes…
— Pourquoi n’achetez-vous pas vous-même on ne faites-vous pas acheter par votre beau-père ! Vous êtes tous deux collectionneurs et plutôt riches ?
— Parce que moi non plus je n’en veux pas. Traitez-moi de Vénitien superstitieux si vous voulez, mais je ne veux pas faire entrer la « Régente » dans la maison où vivent ma femme et mes enfants. Pas davantage chez Moritz Kledermann mon beau-père. Sa passion des joyaux historiques lui a coûté suffisamment cher et ce qui s’est passé hier me renforce dans ma conviction : quiconque possédera la « Régente » sera en danger. Tout au moins tant que vous n’aurez pas mis la main sur ce maniaque de la couronne !
— Soyez sûr que je m’y efforce. En attendant vous souhaitez que je la garde ?
— Exactement. Au fond c’est une pièce à conviction et je ne pense pas que l’assassin oserait s’en prendre à votre forteresse. Quant au petit Le Bret, je vais dès à présent me charger de son avenir. Les réfugiés, eux, attendront qu’il soit possible de monnayer ce damné bijou…
— Oh, je vous comprends. Cependant je ne peux le garder.
— Mais… pourquoi ? fit Aldo affreusement déçu.
— Je pourrais vous dire que nos coffres ne sont pas assez solides mais surtout la loi ne nous autorise pas à nous charger de ce qui n’est pas vraiment une pièce à conviction puisque l’assassin ne l’a pas eue en main. Vous pourriez la confier à la Banque de France avant de partir ? Parce que, bien sûr, vous souhaitez que je vous rende votre liberté, ajouta Langlois avec un demi-sourire.
— Vous voulez dire que j’en rêve !
— Eh bien partez ! Si j’ai besoin de vous, je saurais toujours où vous trouver ! Je crains même d’avoir un peu abusé de mes pouvoirs…
Emporté par une grande vague de soulagement, Morosini aurait volontiers embrassé le commissaire qu’il remercia avec chaleur. Du coup, il récupéra l’écrin sans se faire prier davantage.
— Vous allez suivre mon conseil ? demanda Langlois.
— Pour la Banque de France ? Peut-être, si je ne parviens pas à m’en débarrasser rapidement. À ce propos, je suis invité demain à une soirée chez le maharadjah de Kapurthala et…
Brusquement, le commissaire partit d’un éclat de rire :
— Hé là ! Doucement ! Je sais bien que vous feriez n’importe quoi pour vous débarrasser de ce sacré bijou mais je vous rappelle que c’est un vieil ami de la France et même
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