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La Pierre angulaire

La Pierre angulaire

Titel: La Pierre angulaire Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Zoé Oldenbourg
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d’une femme avec laquelle on ne couche pas ?
    — Ça arrive.
    — Tu comprends, ce n’est pas tant pour l’honneur. Je vis moi-même comme un chien. Mais elle, je l’avais tellement aimée, dans le temps. Je pensais qu’elle ne me ferait jamais ça. Ça me retourne les boyaux de penser qu’elle a pu le faire. Elles se valent toutes. Allons plus vite, nous ne sommes pas loin.
    » Giraut, je verrai ça tout de suite, je la connais trop. Et si c’est vrai, je la tuerai. Cela m’est égal qu’elle soit de sang noble, et tout. Si elle a fait ça, c’est une chienne, rien de plus. Et puis après, j’épouserai moi-même la petite Ermessan de Rumilli, j’en aurai peut-être encore des fils. Comme ça au moins, je n’aurai pas été un imbécile jusqu’au bout. »
    Giraut sifflota, surpris. « Ça ! dit-il, on peut le dire, vous ne perdez pas votre temps.
    — Bien sûr. Écoute. N’aurai-je pas raison ? Je me défais d’une mauvaise femme, et je fais en même temps une bonne affaire, car ainsi je tiendrai l’héritage de Rumilli plus sûrement encore que par mon fils. Ah ! la garce, que fait-elle de moi ? Elle me fera attraper une attaque ; heureux encore que j’aie tant jeûné ces mois-ci. »
    À la porte du château, les deux hommes s’arrêtèrent ; Herbert reprenait haleine et secouait ses chaussures pleines de neige. Il faisait presque complètement noir, et la porte était déjà fermée pour la nuit. Et cela aussi parut être à Herbert d’un mauvaisaugure. Il redevint sombre.
    « Va, frappe, Giraut, dis-leur le mot de passe. Je ne veux pas qu’on me reconnaisse. Que personne ne sache que je suis là. Je veux voir la tête qu’elle fera : à ses yeux, je saurai tout. » Et pendant que Giraut parlait aux soldats, Herbert regardait la porte fermée et le pont levé, qui avaient été remis à neuf et repeints depuis son départ, et il ne les reconnaissait pas et avait le sentiment d’être devenu un étranger dans sa propre maison. Il pensait à la vieille histoire de l’homme qui revient de guerre, déguisé en mendiant, et trouve sa place prise et sa femme remariée, et tous les siens en train de faire la fête en son absence ; et il se fait reconnaître et se venge. « Il y aura du sang, pour ce Noël-ci, et des funérailles », pensait-il ; et il avait presque envie d’apprendre que sa femme avait eu vingt amants, pour pouvoir les tuer tous.
    Et comme la porte tardait à s’ouvrir, il sentait croître en lui une angoisse irraisonnée, et avait envie de retourner sur ses pas, et de traverser la forêt pour atteindre Bernon. Sa mère avait beau l’avoir maudit, elle était le seul être qui ne lui parût pas étranger, à ce moment-là.
    Au moment où toute la maisonnée se levait de table, on entendit le pont se baisser et la grand-porte grincer sur ses gonds. Haguenier envoya Adam voir qui étaient ces visiteurs que le portier recevait ainsi sans le prévenir. Adam était déjà à la porte, quand il fut renversé et jeté à terre par un géant barbu, vêtu d’une robe de bure et armé d’un bâton de pèlerin. Les valets, surpris, regardaient l’homme qui se tenait droit sur le seuil de la porte, énorme, raide, soufflant d’être monté trop vite. Il semblait chercher quelqu’un, ses grands yeux clairs parcouraient la salle d’un regard perçant et rapide.
    Tous, au moment où ils reconnurent Herbert, sentirent un poids immense descendre brusquement sur eux, car si on le regrettait déjà, c’était avec l’espoir de ne plus le revoir jamais.
    Dame Aelis, qui se tenait debout près de l’échelle qui menait aux chambres, poussa un grand cri et tomba évanouie. Ses petites filles essayaient de la retenir et s’accrochaient à ses robes.
    Il y eut un moment de silence, puis Haguenier quitta sa place et s’avança vers son père.
    Herbert l’écarta et marcha à travers la salle, vers l’échelle, là où la dame s’était affaissée. Il ne disait rien, jouissant de la peur qu’il lisait sur tous les visages. Il était d’ailleurs trop en colère pour parler. Il se baissa, prit la dame par les deux nattes et lui cogna la tête contre les dalles, à toute volée. Cela fit un bruit sinistre – comme un craquement d’os – et les petites filles se mirent à hurler, et les servantes les imitèrent.
    Haguenier, hors de lui, courut à son père et lui tordit le poignet pour lui faire lâcher prise. « Chien ! cria-t-il, laisse cette femme ou je te

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