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La Pierre angulaire

La Pierre angulaire

Titel: La Pierre angulaire Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Zoé Oldenbourg
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un jour. J’irai me présenter à ma mère tel que je suis, et aussi au père Aubert. J’aurai davantage l’air d’un pénitent. Je ne manque pas de barbiers ni de laveuses de tête, à Linnières, n’est-ce pas ? Ça aura peut-être l’air plus pieux de présider mon premier repas à la maison en pèlerin, ne crois-tu pas ? Ah ! pour la piété, maintenant, je m’y connais. J’ai tant dit le chapelet que parfois ma langue se met à dire d’elle-même des Ave Maria quand je veux parler d’autre chose. Eh bien, voilà : je ne me ferai pas raser avant Noël, et c’est à Noël aussi que je prendrai des habits neufs, mais alors il m’en faut de tout à fait neufs, qui n’ont jamais été portés ; combien y a-t-il encore – quatre… cinq jours avant Noël, non, six jours – je me ferai coudre une chemise neuve par mes couturières. Ah oui, et Ortrud ? Elle a été sage ? Parle-moi un peu de ce qui se passe à la maison, c’est pour cela que je t’ai fait appeler en secret. S’il y a quelque chose qui ne va pas, je ne veux pas qu’ils aient le temps de cacher leur jeu à mon arrivée. »
    Giraut se taisait, un peu embarrassé.
    « Je parie, dit Herbert, que mon fils a laissé le domaine aller à vau-l’eau, et est parti à Troyes retrouver sa belle. Dans ce cas, c’est à toi que je demanderai des comptes, je te préviens.
    — Je n’ai rien à dire contre le jeune maître, il tient bien la maison. Pour un homme aussi jeune, il s’en tire même très bien.
    — Ah ! si Ernaut vivait encore, Giraut ! C’est comme si ce n’était plus ma maison depuis qu’il n’y est plus, Giraut. Écoute, s’il y a quelque chose qui ne va pas comme il faut, si tu ne me le dis pas, je le saurai après, et alors gare à toi !
    — Je ne sais pas comment vous dire – Giraut se mordillait les lèvres – ce n’est pas que je n’y aie pas veillé, mais ce n’était pas de mon rayon. C’est au sujet de dame Aelis. »
    Herbert s’était redressé d’un bond et avait saisi Giraut par le cou.
    « Hein ? Qu’y a-t-il au sujet de dame Aelis, chien ? Qu’est-ce que tu vas me raconter encore ?
    — Lâchez-moi, je ne peux pas parler, râla Giraut.
    — Eh bien, je t’ai lâché, parle. » Herbert respirait avec peine. « Qu’arrive-t-il à dame Aelis ?
    — On raconte des choses sur elle et sur Amaury de Breul. Et il faut bien croire qu’il y a quelque chose de vrai dans ça, parce que votre fils s’est battu avec le garçon il y a huit jours.
    — Chien ! cria Herbert, chien ! Tu ne pouvais pas me le dire plus tôt ? Tu me laissais bavarder là comme un imbécile ? Où sont les chevaux ? »
    Le jour baissait rapidement. Sur le pré devant le château, près de la croix de fer, le cheval d’Herbert creva et tomba raide, si bien que le cavalier eut à peine le temps de glisser à terre. Étourdi par le choc, il se releva et se mit à secouer ses vêtements pleins de neige. Il leva les yeux sur la croix. « Mauvais présage, dit-il, et ses lèvres frémirent. Viens, Giraut, on montera à pied, je suis trop lourd pour ton cheval, de toute façon. Avec cette neige nous n’irons pas vite. »
    Haletant, il se mit à marcher, essayant de trouver la route qu’une neige toute récente avait complètement cachée. Giraut le suivait, tenant son cheval par la bride. Forcé d’avancer lentement, Herbert reprenait un peu ses esprits. À cent pas du château, il s’arrêta. « Si nous n’allions pas plus loin, Giraut ?
    — Quoi ? dit l’autre. Et où aller, alors ? Au village ? — Si nous allions à Bernon, chez ma mère ? Je sais bien que je n’aurai plus jamais de bonheur dans cette maison. — Écoutez, dit Giraut, avec cette neige nous n’arriverons pas à traverser la forêt ; et il y a des loups dans les environs.
    — Eh bien, tant pis. Sais-tu, Giraut, je n’avais jamais cru qu’on pût parler d’elle à cause d’un homme. Si un autre que toi m’avait dit cela, je ne l’aurais pas cru. Tu crois qu’ils ont couché ensemble ?
    — Comment puis-je le savoir ? Je ne dors pas dans les chambres des dames. Je pense que oui. Elle est allée à Bercenay pour quinze jours, avec ceux de Breul. »
    Herbert s’arrêta net, et se mit à défaire le col de sa veste. Un râle s’étranglait dans sa gorge. « Attends, attends, ne me marche pas sur les pieds, imbécile. Laisse-moi respirer. Tu me rends fou. Giraut ! Crois-tu qu’on puisse être jaloux

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