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La pierre et le sabre

La pierre et le sabre

Titel: La pierre et le sabre Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Eiji Yoshikawa
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Bientôt, il entendit les accents nostalgiques d’un shakuhachi ,
la flûte de bambou dont jouaient les prêtres lorsqu’ils mendiaient dans les
rues. En regardant à l’intérieur, il constata que le joueur était en effet un
membre de cette classe. Il se trouvait assis près du foyer. Le feu qu’il venait
d’allumer s’aviva, et l’ombre du prêtre s’agrandit au mur. Il jouait un air
triste, une lamentation sur la solitude et la mélancolie de l’automne, destinée
à ses seules oreilles. Il jouait simplement, sans fioritures, et donnait à
Matahachi l’impression de ne guère tirer vanité de son jeu.
    Quand la mélodie s’acheva, le
prêtre poussa un profond soupir et se mit à se lamenter :
    — On dit que lorsqu’un homme atteint
la quarantaine, il n’est plus victime de l’illusion. Mais regardez-moi !
Quarante-sept ans lorsque j’ai détruit la réputation de ma famille. Quarante-sept !
Et j’étais encore dans l’illusion ; trouvé moyen de tout perdre :
ressources, poste, réputation. Ce n’est pas tout ; j’ai laissé mon fils
unique se débrouiller seul dans ce monde de malheur... Pourquoi ? Par amour ?...
C’est mortifiant... jamais je ne pourrais de nouveau regarder en face mon
épouse morte, ni l’enfant, ou qu’il soit. Ah ! Ceux qui racontent que l’on
est sage après quarante ans doivent parler des grands hommes, et non des sots
de mon espèce. Au lieu de me croire sage à cause de mon âge, j’aurais dû faire
plus attention que jamais. Le contraire est folie, dès qu’il s’agit des femmes.
    Tenant debout devant lui son shakuhachi ,
les deux mains posées sur l’embouchure, il continua :
    — ... Quand cette histoire
avec Otsū s’est produite, personne n’a plus voulu me pardonner. Il est
trop tard, trop tard.
    Matahachi s’était glissé dans la
pièce voisine. Il écoutait, mais ce qu’il voyait lui inspirait de la répulsion.
Le prêtre avait les joues creuses, ses épaules saillantes évoquaient le chien errant,
et sa chevelure était terne. Matahachi était tapi en silence ; à la lueur
clignotante du feu, la silhouette de l’homme évoquait des visions de démons
nocturnes.
    — ... Oh ! que faire ?
gémissait le prêtre en levant au plafond ses yeux caves.
    Il portait un kimono ordinaire et
miteux mais également une soutane noire, indice qu’il était disciple du maître
du Zen chinois P’u-hua. La natte de roseaux sur laquelle il se trouvait assis,
qu’il roulait et transportait avec lui partout où il allait, devait constituer
son seul bien ménager : son lit, son rideau et par mauvais temps son toit.
    — ... Parler ne me rendra pas
ce que j’ai perdu, disait-il. Que n’ai-je été plus prudent ! Je croyais
comprendre la vie. Je ne comprenais rien ; ma position m’enivrait !
Je me suis honteusement conduit envers une femme. Pas étonnant que les dieux m’aient
abandonné. Que pourrait-il y avoir de plus humiliant ?
    Le prêtre baissa la tête comme s’il
présentait des excuses à quelqu’un, puis la baissa davantage encore.
    — ... Je ne me soucie pas de
moi-même. La vie que j’ai maintenant est assez bonne pour moi. Il n’est que
juste que je fasse pénitence, et doive survivre sans aide extérieure... Mais qu’ai-je
fait à Jōtarō ? Il souffrira plus que moi de mon inconduite. Si
j’étais encore au service du seigneur Ikeda, il serait aujourd’hui le fils
unique d’un samouraï ayant cinq mille boisseaux de revenu ; mais à cause
de ma stupidité, il n’est rien. Pire : un jour, quand il sera grand, il
apprendra la vérité.
    Il resta un moment assis les mains
sur la figure, puis se leva soudain.
    — ... Assez : voilà que
je m’apitoie à nouveau sur moi-même. La lune est levée ; je vais me
promener dans le champ... chasser ces vieux griefs, ces vieux fantômes.
    Le prêtre ramassa son shakuhachi ,
et sortit fébrilement de la maison en traînant les pieds. Matahachi crut
apercevoir une ombre de moustache sous le nez émacié. « Quel être bizarre !
se dit-il. Il n’est pas vraiment vieux, et pourtant comme il est peu solide sur
ses jambes ! » Soupçonnant l’homme d’être un peu fou, il éprouvait
pour lui une certaine pitié.
    Attisées par la brise du soir, les
flammes du petit bois commençaient de roussir le plancher. En pénétrant dans la
pièce vide, Matahachi trouva une cruche d’eau ; il en versa sur le feu
tout en songeant que ce prêtre était bien négligent.
    Cela

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