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La pierre et le sabre

La pierre et le sabre

Titel: La pierre et le sabre Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Eiji Yoshikawa
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contourner la partie arrière du temple. Elle se fixa dans le dos une
hotte, prit une faucille, et se faufila par la porte latérale ; mais
quelques instants plus tard, en se retournant, elle le vit sur ses talons. Il s’enveloppait
maintenant d’une large toile d’emballage, du genre que l’on utilisait pour
transporter sa literie.
    — Ceci est-il plus à ton goût ?
cria-t-il avec un grand sourire.
    — Bien sûr que non. Tu as l’air
grotesque. On va te prendre pour un fou !
    — Et pourquoi donc ?
    — Laissons cela. Mais ne
marche pas à côté de moi !
    — C’est bien la première fois
que tu ne veux pas qu’un homme marche à côté de toi.
    — Takuan, tu es parfaitement
ignoble !
    Elle le dépassa en courant ;
il suivait en faisant des foulées dignes du Bouddha à sa descente de l’Himalaya.
Sa toile d’emballage claquait à la brise.
    — Ne te fâche pas, Otsū !
Tu sais bien que je te taquine. En outre, tes amoureux cesseront de t’aimer si
tu boudes trop.
    En bas, à huit ou neuf cents
mètres du temple, des fleurs printanières s’épanouissaient en abondance sur les
deux berges de la rivière Aida. Otsū déposa sa hotte par terre, et, au
milieu d’un océan de papillons voltigeant, commença de manier sa faucille en
larges cercles, coupant les fleurs près de la racine.
    Au bout d’un moment, Takuan se fit
méditatif.
    — Quel calme, ici !
soupira-t-il, d’un ton à la fois religieux et puéril. Alors que nous pourrions
passer notre vie dans un paradis plein de fleurs, pourquoi préférons-nous tous
pleurer, souffrir et nous perdre dans un tourbillon de fureur et de passion,
nous torturer dans les flammes de l’enfer ? J’espère que toi, du moins, n’auras
pas à passer par tout cela.
    Otsū, qui remplissait
régulièrement sa hotte de fleurs jaunes de colza, de chrysanthèmes de
printemps, de marguerites, de coquelicots et de violettes, répliqua :
    — Takuan, au lieu de prêcher
un sermon, tu ferais mieux de prendre garde aux abeilles.
    Il hocha la tête avec un soupir de
désespoir.
    — Je me moque des abeilles, Otsū.
Je ne veux qu’une chose : te transmettre l’enseignement du Bouddha sur le
sort des femmes.
    — Le sort de la femme que je
suis ne te regarde pas !
    — Ah ! mais tu te
trompes ! C’est mon devoir de prêtre de me mêler de la vie des gens. Je t’accorde
qu’il s’agit d’un métier indiscret ; mais il n’est pas plus inutile que
celui du marchand, du tailleur, du menuisier ou du samouraï. Il existe parce qu’il
est nécessaire.
    Otsū se radoucit.
    — Je suppose que tu as
raison.
    — L’on ne saurait nier, bien
sûr, que le clergé n’ait été en mauvais termes, depuis quelque trois mille ans,
avec la gent féminine. Vois-tu, le bouddhisme enseigne que les femmes sont
mauvaises. Des diablesses. Des messagères de l’enfer. J’ai passé des années à
me plonger dans les Ecritures ; aussi n’est-ce pas un hasard si nous nous
disputons sans arrêt, toi et moi.
    — Et, d’après tes Ecritures,
pourquoi les femmes sont-elles mauvaises ?
    — Parce qu’elles trompent les
hommes.
    — Les hommes ne trompent-ils
pas les femmes, eux aussi ?
    — Si, mais... le Bouddha
lui-même était un homme.
    — Veux-tu dire par là que s’il
avait été une femme, les choses auraient été à l’inverse ?
    — Bien sûr que non !
Comment un démon pourrait-il jamais devenir un Bouddha ?
    — Takuan, ce que tu dis là
est absurde.
    — Si les enseignements
religieux n’étaient que du bon sens, nous n’aurions pas besoin de prophètes
pour nous les transmettre.
    — Te voilà encore à tout
déformer à ton propre avantage.
    — Commentaire typiquement
féminin. Pourquoi m’attaquer personnellement ?
    Elle cessa de nouveau de manier sa
faucille, avec une expression de lassitude infinie.
    — Takuan, restons-en là.
Aujourd’hui, je ne suis pas d’humeur à ce petit jeu.
    — Silence, femme !
    — C’est toi qui n’as pas
cessé de parler.
    Takuan ferma les yeux comme pour s’armer
de patience.
    — Laisse-moi tâcher de t’expliquer.
Lorsque le Bouddha, dans sa jeunesse, était assis sous l’arbre bo, des démons femelles
le tentaient jour et nuit. Bien entendu, il ne se forma pas une haute opinion
des femmes. Ce qui ne l’empêcha pas, étant le tout-miséricordieux, de prendre
sur ses vieux jours des disciples femmes.
    — Parce qu’il était devenu
sage ou sénile ?
    — Ne blasphème

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