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La pierre et le sabre

La pierre et le sabre

Titel: La pierre et le sabre Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Eiji Yoshikawa
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de
boue à l’autre extrémité du champ. A cent mètres de distance déjà, il
augmentait rapidement l’écart.
    — Il se dirige vers le
village.
    — Il se dirige vers la
grand-route.
    Mais en réalité, il avait rampé
rapidement, invisible, en haut de l’autre lisière du champ, et se trouvait
maintenant caché dans les bois en surplomb. Il regarda ses poursuivants se
diviser pour continuer leur poursuite en plusieurs directions.
    Il faisait jour : un matin
ensoleillé tout pareil aux autres.
     
     
     
Une offrande aux morts
     
    Lorsque Oda Nobunaga eut fini par
perdre patience à la suite des intrigues politiques des prêtres, il attaqua l’ancienne
fondation bouddhiste du mont Hiei, et en une nuit d’épouvante, presque tous ses
trois mille temples et sanctuaires furent la proie des flammes. Quatre
décennies avaient passé ; l’on avait reconstruit l’édifice principal et un
certain nombre de temples secondaires ; pourtant, le souvenir de cette
nuit ensevelissait la montagne à la façon d’un linceul. La fondation était
maintenant privée de ses pouvoirs temporels, et les prêtres consacraient de
nouveau leur temps à des tâches religieuses.
    Situé sur le pic le plus
méridional, ayant vue sur les autres temples et sur Kyoto même, il y avait un
petit temple écarté, le Mudōji. Le silence était rarement rompu par des
sons moins paisibles que le murmure d’un ruisseau ou le gazouillis des petits
oiseaux.
    Des profondeurs du temple venait
une voix masculine récitant les paroles de Kannon, la déesse de la Miséricorde,
suivant la révélation du sûtra du Lotus. La psalmodie s’élevait progressivement
puis, comme si le chantre avait soudain repris ses esprits, retombait.
    Sur le sol d’un noir de jais du
corridor s’avançait un acolyte en robe blanche, porteur, à hauteur de l’œil, d’un
plateau sur lequel on avait disposé le maigre repas végétarien que l’on a coutume
de servir dans les établissements religieux. Il entra dans la salle d’où venait
la voix, posa le plateau dans un angle, s’agenouilla poliment et dit :
    — Bonjour, monsieur.
    Légèrement penché en avant,
absorbé dans sa tâche, l’hôte n’entendit pas le salut du jeune garçon.
    — ... Monsieur, dit l’acolyte
en élevant un peu la voix, je vous apporte votre déjeuner. Je le laisse ici,
dans le coin, si cela vous convient.
    — Oh ! merci, répondit
Musashi en se redressant. C’est fort aimable à vous.
    Il se tourna et s’inclina.
    — Désirez-vous déjeuner
maintenant ?
    — Oui.
    — Alors, je vous sers votre
riz.
    Musashi accepta le bol de riz et
se mit à manger. L’acolyte regarda fixement d’abord le bloc de bois à côté de
Musashi, puis le petit couteau derrière lui. Des copeaux et des éclats de bois
de santal blanc, parfumé, jonchaient la pièce.
    — ... Que sculptez-vous ?
demanda-t-il.
    — Ce doit être une image
sainte.
    — Le bouddha Amida ?
    — Non. Kannon.
Malheureusement, je ne connais rien à la sculpture. Il semble que je me taille
les mains plus que le bois.
    Pour preuve il tendait deux doigts
bien entaillés, mais le garçon paraissait plus intéressé par le pansement blanc
autour de son avant-bras.
    — Comment vont vos blessures ?
demanda-t-il.
    — Grâce aux bons soins que j’ai
reçus ici, elles sont presque guéries. Veuillez exprimer au grand-prêtre ma
vive reconnaissance.
    — Si vous sculptez une image
de Kannon, vous devriez visiter le temple principal. Il y a une statue de
Kannon par un sculpteur très célèbre. Si vous le désirez je vous y emmènerai.
Ce n’est pas loin : seulement huit cents mètres environ.
    Ravi de la proposition, Musashi
termina son repas, et tous deux partirent pour le grand temple. Musashi n’était
pas sorti depuis dix jours qu’il était arrivé couvert de sang et s’appuyant sur
son sabre comme sur une canne. A peine avait-il commencé de marcher qu’il s’aperçut
que ses blessures n’étaient pas aussi complètement guéries qu’il ne l’avait
cru. Son genou gauche lui faisait mal, et la brise, bien que légère et fraîche,
semblait déchirer l’entaille de son bras. Mais il faisait bon dehors. Les
fleurs qui tombaient des cerisiers doucement balancés dansaient dans l’air
ainsi que des flocons de neige. Le ciel avait la teinte azurée du commencement
de l’été. Les muscles de Musashi se gonflaient comme des bourgeons sur le point
d’éclater.
    — ... Vous étudiez les

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