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La pierre et le sabre

La pierre et le sabre

Titel: La pierre et le sabre Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Eiji Yoshikawa
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d’épée isolé ne faisait le poids devant eux tous.
    Musashi se battait comme un nageur
contre des vagues gigantesques. Frappant un coup puis reculant d’un pas ou
deux, il devait porter plus d’attention à sa défense qu’à son attaque. Il s’abstenait
même de faucher les hommes qui trébuchaient à sa portée et devenaient une proie
aisée, à la fois parce que leur perte n’eût pas été d’un grand profit et parce
que, si Musashi eût manqué son coup, il se fût exposé à ceux des lances
ennemies. L’on pouvait évaluer avec exactitude la portée d’un sabre, mais non
celle d’une lance.
    Tandis qu’il poursuivait sa lente
retraite, ses attaquants le pressaient implacablement. Son visage était d’un
blanc bleuâtre : il paraissait inconcevable qu’il respirât comme il
fallait. Les hommes de Yoshioka espéraient qu’il finirait par trébucher sur une
racine d’arbre ou sur une pierre. En même temps, aucun d’eux ne tenait à se
rapprocher trop d’un homme qui luttait de toutes ses forces pour sa vie. Les
plus proches des sabres et des lances qui le pressaient n’arrivaient jamais qu’à
quelques centimètres de leur cible.
    Le tumulte était ponctué par le
hennissement d’un cheval de somme ; des gens se trouvaient sur pied dans
le hameau proche. C’était l’heure où des prêtres matinaux passaient par là en
se rendant au sommet du mont Hiei et en en venant ; les épaules fièrement
carrées, ils faisaient claquer leurs hautes sandales de bois. Tandis que le
combat se déroulait, bûcherons et fermiers se joignirent aux prêtres sur la
route afin d’assister au spectacle ; alors, aux cris d’excitation
répondirent tous les poulets et tous les chevaux du village. Une foule de
badauds se rassembla autour du sanctuaire où Musashi s’était préparé pour la
bataille. Le vent étant tombé, la brume redescendit en épais voile blanc. Puis
elle se leva tout à coup, permettant aux spectateurs de bien voir.
    Au cours des quelques minutes de
combat, l’aspect de Musashi avait changé complètement. Ses cheveux étaient
collés par le sang ; du sang mêlé de sueur avait teint son serre-tête en
rose. On eût dit le diable même, jailli de l’enfer. Il respirait avec tout son
corps ; sa poitrine pareille à un bouclier se soulevait comme un volcan.
Une déchirure de son hakama laissait voir une blessure au genou gauche ;
les ligaments blancs, visibles au fond de l’entaille, ressemblaient aux graines
d’une grenade fendue. Il avait en outre une coupure à l’avant-bras qui, sans
être grave, l’avait ensanglanté de la poitrine au petit sabre passé dans son
obi. Tout son kimono paraissait teint d’un motif cramoisi. Les spectateurs qui
le voyaient clairement se couvraient les yeux d’horreur.
    Plus épouvantable encore était la
vision des morts et des blessés abandonnés dans son sillage. En poursuivant sa
retraite stratégique vers le haut du sentier, il atteignit une surface de
terrain découvert où ses poursuivants se déversèrent pour une attaque massive.
En quelques secondes, quatre ou cinq hommes furent fauchés. Ils gisaient,
dispersés sur une vaste zone, moribond témoignage de la vitesse avec laquelle
Musashi frappait et se déplaçait. L’on eût dit qu’il était partout à la fois.
    Pourtant, malgré toute l’agilité
de ses mouvements et de ses esquives, Musashi s’en tenait à une seule stratégie
de base. Jamais il n’attaquait un groupe de face ou de flanc – toujours
obliquement. Chaque fois qu’un groupe de samouraïs s’approchait de lui tête
baissée, il s’arrangeait d’une façon quelconque pour passer comme l’éclair à un
angle de leur formation, d’où il pouvait ne les affronter qu’un ou deux à la
fois. Ainsi parvenait-il à les maintenir en gros dans la même position. Mais en
fin de compte, Musashi ne pouvait manquer de s’épuiser. En fin de compte
également, il semblait que ses adversaires ne pouvaient manquer de trouver un
moyen de déjouer sa méthode d’attaque. A cet effet, il leur faudrait se former
en deux grands groupes, devant et derrière lui. Alors, il serait dans un péril
encore plus grave. Musashi avait besoin de toute son habileté pour empêcher
cela.
    A un certain moment, il tira son
petit sabre et se mit à combattre avec les deux mains. Alors que le grand
sabre, dans sa main droite, ruisselait de sang jusqu’à la garde et jusqu’au
poing qui le tenait, dans sa main gauche le petit sabre

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