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La pierre et le sabre

La pierre et le sabre

Titel: La pierre et le sabre Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Eiji Yoshikawa
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dire qu’ils ne se
soucient que de protéger leur vie ?
    — Mon Dieu, ce n’est pas
vraiment leur faute. Ils sont tout à fait sans pouvoir. Il faut leur pardonner
de faire passer avant tout leur intérêt propre, car c’est une question d’autodéfense.
Ils ne désirent en réalité qu’une chose : qu’on les laisse en paix.
    — Mais les samouraïs ?
Pourquoi font-ils toute cette histoire au sujet d’un être insignifiant comme Takezō ?
    — Parce qu’il est un symbole
du chaos, un hors-la-loi. Ils doivent maintenir la paix. Après Sekigahara, Takezō
était obsédé par l’idée que l’ennemi le pourchassait. Il a commis sa première
grave erreur en enfonçant la barrière, à la frontière. Il aurait dû recourir à
une ruse quelconque, se faufiler de nuit ou passer sous un déguisement. N’importe
quoi. Mais Takezō, pensez donc ! Il a fallu qu’il aille tuer un
garde, puis d’autres gens par la suite. Après quoi, ça a fait boule de neige,
voilà tout. Il croit devoir continuer de tuer pour protéger sa propre
existence. Mais c’est lui qui a commencé. Toute cette malheureuse situation
provient d’une seule chose : le total manque de bon sens de Takezō.
    — Tu le hais, toi aussi ?
    — Je l’ai en horreur ! J’abhorre
sa stupidité ! Si j’étais le seigneur de la province, je lui ferais subir
le pire châtiment que je pourrais inventer. En vérité, pour l’exemple, je le
ferais écarteler. Après tout, il ne vaut pas mieux qu’une bête sauvage, hein ?
Un seigneur de province ne saurait se permettre la générosité envers les
pareils de Takezō, même s’il n’est aux yeux de certains qu’une jeune
brute. Ce serait au détriment de l’ordre public, ce qui ne vaut rien, surtout
en ces temps troublés.
    — Je t’ai toujours cru bon,
Takuan, mais au fond de toi-même tu es très dur, n’est-ce pas ? Je ne
pensais pas que tu te souciais des lois du daimyō.
    — Eh bien, si. J’estime qu’il
faut récompenser le bien, punir le mal, et je suis venu ici précisément pour
cela.
    — Oh ! qu’est-ce que c’était ?
cria Otsū en se relevant d’un bond de sa place auprès du feu. Tu n’as pas
entendu ? C’était un froissement, comme des pas sous ces arbres, là-bas.
    — Des pas ?
    Takuan, lui aussi, se mit aux
aguets ; mais après avoir écouté avec attention quelques instants, il
éclata de rire :
    — ... Ha ! ha ! ha !
Ce ne sont que des singes. Regarde !
    Ils pouvaient distinguer les
silhouettes d’un grand singe et d’un petit, qui se balançaient dans les arbres.
Otsū, visiblement soulagée, se rassit.
    — Ouf, j’ai failli mourir de
peur !
    Durant les deux heures qui
suivirent, ils restèrent assis en silence, les yeux fixés sur le feu. Lorsqu’il
baissait, Takuan cassait des branches sèches qu’il jetait dessus.
    — A quoi penses-tu, Otsū ?
    — Moi ?
    — Oui, toi. J’ai beau ne
faire que ça, en réalité j’ai horreur de me faire à moi-même la conversation.
    La fumée plissait les yeux d’Otsū.
Regardant le ciel étoilé, elle parla doucement :
    — J’étais en train de me dire
que le monde est bien étrange. Toutes ces étoiles, là-haut, dans l’obscurité
vide... non, ce n’est pas ce que je veux dire. La nuit est pleine. Elle a l’air
de tout embrasser. Si l’on regarde longtemps les étoiles, on peut les voir
bouger. Bouger lentement, lentement... Je ne peux m’empêcher de penser que le
monde entier bouge. Je le sens. Et je ne suis dans tout cela qu’un petit grain
de poussière – un grain de poussière commandé par une puissance
terrifiante que je suis même incapable de voir. Et dans le moment même où je
suis assise ici à réfléchir, mon destin se modifie, fragment par fragment. Mes
idées semblent tourner en cercles.
    — Tu ne dis pas la vérité !
objecta sévèrement Takuan. Certes, ces idées te sont venues à l’esprit, mais en
réalité tu pensais à quelque chose de bien plus particulier.
    Otsū ne répondit pas.
    — ... Pardon si j’ai manqué
de discrétion, Otsū, mais j’ai lu ces lettres que tu as reçues.
    — Tu les as lues ? Mais
le cachet n’était pas brisé !
    — Je les ai lues après t’avoir
trouvée dans l’atelier de tissage. Quand tu as dit que tu n’en voulais pas, je
les ai fourrées dans ma manche. Je sais que c’était mal de ma part, mais plus
tard, quand je me suis retrouvé seul, je les ai ressorties et je les ai lues,
uniquement pour

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