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La pique du jour

La pique du jour

Titel: La pique du jour Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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le galapian ! Un écu ! Oubliez-vous que
nous lui versons des gages ?
    Mais je m’accoisai, la tête dans les mains, comme gourd et
paralysé dans mon esprit et dans mes sens, ne voulant pas discuter avec Miroul
sur un misérable écu quand ma grande amour était en jeu. Bien l’entendit Miroul
qui se tut aussi et s’assit à mon côté, sans piper mot ni miette. Et à dire
tout le vrai, au risque de vous donner, belle lectrice, une mauvaise opinion de
moi, la seule personne au monde qui eût pu, à cet instant, m’assouager et me
conforter, c’eût été ma Louison avec ses bons yeux bleus, sa claire face et ses
beaux bras ronds jetés autour de mon cou. Mais la vérité, hélas, était là, âpre
comme vinaigre et amère comme fiel. J’avais sacrifié la chambrière à la haute
dame, et de présent, j’avais perdu les deux.
    La minute me dura année et la demi-heure un siècle, avant que
me revînt Luc, le petit misérable restant planté là sans broncher en toute
indiscrétion et impolitesse jusqu’à ce que je lui baillasse un écu et Miroul,
son pié de par le cul. Mes mains étaient si trémulentes que je mis un temps
infini à briser le cachet et à déplier le poulet, lequel était de la main de la
duchesse et dans sa bien particulière écriture.
     
    Meusieu
     
    Vous zaites un maichan. Je le tien pour sure. Et je vous
défen dor zanavan et de m’aicrir et de praizenté votre traitreuze fasse à mon
uis.
    Catherine,
    Duchesse de Guise.
     
    L’ayant lu, et quasi privé de parole par son cruel contenu,
je tendis le billet à Miroul, lequel y jeta un œil, et à ma grande béance et
indignation, s’esbouffa à rire.
    — Quoi, méchant ! criai-je. Tu as le cœur à te
gausser ?
    — C’est que, Moussu, tout méchant que je sois –
mais si l’on en croit votre ange vous l’êtes aussi –, je suis content pour
vous de ce billet.
    — Comment, traître ! Tu te repais de mon
malheur ?
    — Je me repais de ce billet.
    — Et qu’a-t-il donc de si friand ?
    — Il témoigne d’une grande amour.
    — Ha ! dis-je en lui tournant le dos. C’est assez
te moquer, Miroul. Tu es un grand fol. Tais-toi, je te prie ! Tu me
fâcherais pour de bon.
    — Moussu, dit Miroul, est-il constant que dans
l’ordinaire de la vie, vous connaissez bien les femmes ?
    — Elles me l’ont dit, du moins.
    — Alors, d’où vient que lorsque l’amour vous tient,
Moussu, tout soudain vous désapprenez leurs façons. Ne voyez-vous pas
l’évidence même ? À savoir que ce billet a été écrit par quelqu’une hors
d’elle-même. Et quelle passion peut agiter à ce point une personne du sexe
sinon la jaleuseté ?
    Quoi oyant, je repris de ses mains le billet, le lus, le
relus et restai coi.
    — Moussu, reprit-il, supposez que la duchesse ait
contre vous un autre grief qu’un amoureux dépit. Que sais-je, moi ? Quelle
ait découvert que vous avez encouragé les Rémois à se donner à Sa Majesté
en faisant le poil au jeune duc. Elle vous eût baillé votre congé d’une façon
tout ensemble plus civile et plus froidureuse. Elle vous eût écrit, me
semble-t-il, dans ce style :
     
    Monsieur,
     
    On m’a découvert vos brouilleries avec les Rémois sur le dos
de mon fils, et comme je tiens qu’on ne peut être à la fois l’ami de ces
rebelles et celui de ma maison, je vous serais très obligée, d’ores en avant,
de priver mon logis de votre présence. À cette condition seulement, je
demeurerai. Monsieur, à la Cour et à la Ville, votre dévouée servante.
    Catherine,
    Duchesse de Guise.
     
    — Voilà, poursuivit Miroul, qui est distant, déprisant et
irrévocable, alors que les mots « méchant » et « traîtreuse
face » que votre ange emploie sentent à vingt lieues la querelle
d’amoureux. Observez, de reste, Moussu que vous n’avez pas failli à employer
ces mêmes mots à l’instant à mon endroit, quand mes rires vous ont piqué.
    — Ha ! mon Miroul ! criai-je en courant à lui
et, lui donnant une forte brassée, je lui piquai de grands poutounes sur les
joues. Tu es le meilleur des hommes et des amis !
    — Hé quoi ! dit-il, mi-riant mi-ému, êtes-vous
bien ragoûté de baiser ma traîtreuse face ?
    — Ha ! Miroul ! dis-je, n’emploie pas ces
mots-là ! Ils me font mal !
    Cependant, fort rebiscoulé par ses pertinentes remarques, je
me mis à marcher qui-cy qui-là dans la salle, les mains derrière le dos et la
crête relevée, sentant bien

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