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La pique du jour

La pique du jour

Titel: La pique du jour Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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asseyez-vous, de grâce, là ! Sur ce
cancan ! C’est à peine si vous tenez debout ! Holà, Franz !
Vite, du vin !
    — Ce n’est rien, mon Miroul, dis-je d’une voix éteinte.
Après quoi j’avalai d’un coup la moitié du gobelet que Franz me tendait et qui,
assurément, me retira de la syncopise dont j’étais proche.
    — Mon Pierre, dit Miroul, me couvant d’un œil plein
d’effroi, qu’est cela ? Est-ce une subite intempérie ? Un accès de
fièvre chaude ? Ou pis encore !
    — Nenni, nenni, dis-je en faisant quelque effort pour
sourire. Rien n’en vaut, mon Miroul. C’est l’esprit qui pâtit, et non le corps.
    Et observant que Franz quittait la salle, je contai à mon
Miroul ma râtelée de ce qui venait de m’échoir.
    — En bref, mon Pierre, dit Miroul quand j’eus fini, la
dame vous donne votre congé.
    — Cornedebœuf, Miroul ! dis-je avec humeur. Me le
dois-tu dire ? Ne m’en serais-je pas aperçu tout seul ?
    — Mais il y a congé et congé, dit Miroul, et celui-là
est le plus rude, roide et incivil qui soit !
    — Assurément, dis-je, et cela me navre plus que tout,
vu que la dame qui me le baille est un ange.
    — Un ange, mon Pierre ? dit Miroul, son œil marron
fort pétillant et son œil bleu froidureux.
    — Oui-da. Un ange ! dis-je avec feu. J’en
donnerais ma tête à couper.
    — Elle l’est jà, dit Miroul. La dame pourrait en
décorer le linteau de sa porte.
    — Miroul !
    — Mille pardons, Moussu ! Mais à y réfléchir plus
outre, il m’apparaît que lorsque femme, d’ange devient démon, c’est qu’elle est
contre nous enivrée de male rage. Dites-moi, avez-vous offensé ladite
dame ? Lui avez-vous quelque peu froissé ses angéliques ailes ?
    — En aucune guise !
    — Guise est bien dit.
    — Miroul !
    — Pardon, Moussu. Tant plus j’y pense, et tant plus je
trouve que changer la serrure par où l’amant chez vous et en vous s’introduit
est la plus méchante chose qu’on puisse faire à un homme…
    — Ne le sais-je pas, cap de Diou ! Et me le
dois-tu encore répéter ?
    — Moussu, il ne faut point le dissimuler
davantage : la dame vous garde une fort mauvaise dent pour quelque offense
qu’elle s’apense que vous lui avez faite et vous tient de présent en grande
haine et détestation.
    — Mais cornedebœuf ! pourquoi ? m’écriai-je.
Pourquoi ? Que lui ai-je fait ?
    — Moussu, dit Miroul avec un geste des deux bras, ce
n’est pas à moi qu’il faut le demander ! C’est à elle !
    — Quoi ! criai-je, irai-je ramper à ses genoux,
alors qu’elle m’a fait cette écorne ?
    — Moussu, dit Miroul en souriant d’un seul côté du bec,
ce n’est pas la première fois que vous irez ramper aux genoux d’une dame, ou
même, comme à celle de Reims, lui lécher le pié.
    — J’avais grand appétit à elle.
    — Il le faut croire, puisque vous commenciez par lui
dévorer l’orteil.
    — Monsieur de La Surie, cornedebœuf ! Est-ce
bien le moment de gausser ! Vous lasserez ma patience !
    — Moussu, vous lassez jà la mienne ! À vous le dire
tout net, vous êtes un grand fol de ne pas courre visiter votre ange par la
grand-porte, et sur l’heure. Il faut battre le fer pour qu’il cesse d’être
froid !
    — Quoi ? La visiter ? Après l’affront qu’elle
m’a fait !
    — Moussu, vous savez bien que lorsque les femmes nous
ont offensés, elles n’ont de cesse que nous courions leur demander pardon.
    — Quoi ! Pardon quérir ! Après ce coup !
    — Moussu, n’êtes-vous pas à tout le moins curieux de
savoir l’injuste cause de son ire ? N’appétez-vous à vous laver de ses
soupçons ?
    — Point du tout ! Je déprise qui me déprise !
    — Allez, Monsieur ! Vous n’avez point de
cœur !
    — Moi ?
    — Ne voyez-vous point à travers les murs que la
pauvrette, à la minute que je vous parle, gît à plat ventre sur sa coite, la
tête dans son oreiller, et sanglote son âme ?
    — Quoi ? Elle pleure ! m’écriai-je. Ce
monstre m’inflige un affreux pâtiment, et il a le front de pleurer ! Le
croirai-je ?
    — Ha ! Moussu ! Il faut bien avouer que les
femmes sont de bien étranges animaux. Elles ne font rien comme nous. Elles se
navrent du mal qu’elles nous font. Mais je vous gagerai ma terre de
La Surie que lorsque vous irez à la parfin la visiter, vous la trouverez
les yeux rouges et la face décomposée.
    — Je gage que non ! criai-je,

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