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La pique du jour

La pique du jour

Titel: La pique du jour Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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adressé la
parole) crut bon de s’excuser à Sa Majesté que sans y penser, il
avait été d’avis de laisser les jésuites en Paris.
    — Voilà ce que c’est, Monsieur le Procureur, dit le roi
très à la vinaigre. Vous fûtes cause de la mort du roi mon frère sans y penser.
Vous l’avez cuidé être de la mienne, tout du même…
    Si le roi m’avait dit un mot si cruel, je me fusse allé
cacher dans un désert. Mais rien n’a la peau si dure qu’un sottard. La Guesle
demeura, endurant tout.
    Comme disait le comte de Brissac, orfèvre en la matière, ce
n’est pas la faute de la girouette si elle tourne. C’est la faute du vent. Et
celui-ci, il faut le croire, soufflait meshui très à rebours. Car jamais, de
mémoire d’homme, ces messieurs du parlement ne furent plus prompts en leur
décision : le procès des jésuites qu’ils avaient sans conclure pendu au
croc quatre mois plus tôt, fut décroché incontinent et, opinant au contraire de
ce qu’ils avaient alors opiné, la Cour condamna sans appel les jésuites à vider
le royaume.
    Émerveillable célérité des juges ! Chatel avait attenté
de tuer le roi le 27 décembre 1594. Le dimanche 8 janvier 1595 –
douze jours plus tard – les jésuites prenaient le chemin de l’exil.
    N’appétant guère au sang, comme vous savez, belle lectrice,
je ne voulus pas assister au supplice du petit Chatel, non plus qu’à la
pendaison de Guignard. Mais je voulus voir de ces yeux que voilà le département
des bons pères, et ayant su par Lugoli qu’il aurait lieu après dîner, sur les
deux heures après midi, je me rendis rue Saint-Jacques et, mêlé au grand
concours de peuple qui était là – grondant, huant et contenu à grand’peine
par les sergents –, je vis avancer l’huissier de la Cour, lequel, armé de
sa seule baguette, lut au père Guéret, debout sur le seuil du célèbre collège,
l’arrêt condamnant à l’exil perpétuel la compagnie dite de Jésus.
    Quand la lecture fut terminée, la porte cochère s’ouvrit, et
trois charrettes en saillirent, portant les plus vieils et mal-allants des
pères. Le reste suivit à pied, et fermant la marche, le père Guéret monté sur
un bidet. Je les comptai : ils étaient trente-sept. Je les envisageai un à
un. Tous avaient les yeux baissés et leurs faces étaient imperscrutables.
D’aucuns remuaient les lèvres, comme s’ils priaient à voix basse. J’eus le
sentiment que c’étaient là des hommes d’un grand zèle, qui avaient peu souci
d’eux-mêmes et de leur vie, et que leur foi, somme toute, eût été fort belle,
si elle avait été mise à meilleure usance.

 
CHAPITRE VIII
    J’ai omis, dans la narration des événements qui suivirent
l’attentement de Jean Chatel, un fait, en apparence minime, mais sur lequel je
demande au lecteur la permission de revenir, car il ne se trouve pas sans
intérêt ni conséquence touchant la nouvelle mission que le roi me donna en
janvier.
    Quand j’eus brûlé devant Catherine le Livre de Vie, je
retournai rue Saint-Jacques pour tâcher de découvrir les archives des jésuites
que le père Guignard, on s’en ramentoit, avait consultées à mon sujet. Les
sergents de la prévôté, qui fouillaient toujours le collège de Clermont avec le
plus grand zèle, les avaient dénichées, mais les oisillons de ce nid-là
babillaient en latin : ils n’y entendaient miette et ne savaient si ce
monceau de papiers serait pour le procès de quelque usance. Je leur dis que
j’allais m’en assurer et, m’enfermant avec lesdites archives dans une cellule,
je recherchai sans tant languir les rapports sur moi auxquels le père Guignard
avait fait allusion dans le Livre de Vie, et grâce au Ciel, et aussi
grâce à l’ordre minutieux et militaire que les jésuites avaient hérité de saint
Ignace de Loyola, je me trouvai sans peine aucune à la lettre S.
    Le rapport du jésuite Samarcas – qui avait joué le rôle
que l’on sait dans l’existence infortunée de ma belle-sœur Larissa –
brillait, comme on a vu, par sa méchantise, mais touchait davantage ma personne
que mon emploi à la cour d’Henri Troisième, lequel emploi il n’avait pu que
subodorer avant que de départir pour l’Angleterre et y encontrer, comme salaire
de ses intrigues contre la reine Elizabeth, une fin ignominieuse. Suivaient des
rapports non signés et assez peu précis qui me présentaient comme un huguenot
mal converti et indiquant qu’en tant que médecin

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