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La pique du jour

La pique du jour

Titel: La pique du jour Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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gentilhomme. Bien sais-je
que tu es vaillant et bien le savent tous ceux qui t’ont vu te battre à Ivry et
à Laon. Mais tu es bien trop précieux pour que je hasarde ta vie dans un
chamaillis d’épées et de piques.
    — Mais Sire, dis-je, qui se hasarde plus que vous au
choquement des cuirasses ?
    — C’est différent. Il faut bien que je donne l’exemple
à ma noblesse, puisque je suis son chef. Mais pour toi, Barbu, si tu te bats à
mon service, ça ne sera pas cette fois contre des corselets, mais contre des
robes.
    — Des robes, Sire ?
    — Des robes noires, violettes, pourpres,
blanches ! Que sais-je encore !
    — Quoi ? Sire ! Des soutanes !
    — Des soutanes, et à Rome ! dit-il en se mettant à
rire à gueule bec de me voir si béant. Ha Barbu ! poursuivit-il en portant
derechef la main à la petite emplâtre noire qui couvrait sa navrure, laquelle
le devait taquiner ou gêner, j’ai scrupule à t’arracher si longtemps à tes
affections domestiques… (Il me fit un petit sourire sur
« domestique ».)
    — Si longtemps, Sire ?
    — À Rome, dit-il avec un soupir, mais cette fois plus
gaussant que mélanconique, à Rome tout est long, tout est soumis à des canons
sans nombre, tout marche à pas de fourmi, tout se fait par degrés. Primo, quand
j’eus conçu projet de me convertir, j’envoyai le marquis de Pisany à Rome. Mais
il ne put l’atteindre, le pape lui défendant de dépasser Florence et noulant
recevoir du tout cet envoyé de moi.
    Secundo, quand mes évêques eurent fait de moi un
catholique, je dépêchai à Rome le duc de Nevers, lequel on traita d’abord fort
mal, mais toutefois il fut reçu, mais comme duc de Nevers et non point comme
mon ambassadeur (admire, Barbu, ce beau coup de moine !). Et d’absolution
pas question ! À la parfin, et grâce à l’abbé d’Ossat, vrai Français à la
vieille française, lequel est la plus industrieuse des abeilles romaines, et
laboure infatigablement pour le bien de mon affaire, on touchait au but, et je
me préparais à dépêcher Mgr Du Perron à Sa Sainteté avec de
grandes chances cette fois que ma conversion fût par elle acceptée, quand le
couteau du petit Chatel m’a contraint – je dis bien, Barbu,
contraint – d’exiler les jésuites ! Ventre Saint-Gris ! Quel
pavé dans la mare vaticane !
    — Je gage, dis-je, que le pape fulmine.
    — C’est bien pis ! dit Henri avec un fin sourire,
il pleure ! Il est vrai que Clément VIII a reçu du ciel le don des
larmes…
    Remarque qui me fit sourire en mon for pour la raison que
Henri lui-même n’était pas orphelin de ce don.
    — Sire, tout serait donc perdu ?
    — Point du tout. D’Ossat m’assure du contraire. Mais ne
mettant pas tous mes œufs dans le même panier, j’ai besoin d’une
contre-assurance avant de hasarder de dépêcher à Rome Mgr Du Perron.
    — Mais, Sire, qu’irais-je faire là-bas ? D’après
ce que j’ai ouï, l’abbé d’Ossat est un grand diplomate, fort dévoué à ce royaume
et, en outre, fort bien introduit auprès du pape.
    — Mais il est d’Église et fort dévoué aussi à son
Église, et encore qu’à mon sentiment, poursuivit Henri avec un sourire, il y
aille autant de l’intérêt de l’Église que du mien, de recevoir au bercail la
brebis égarée, surtout quand ladite brebis est maîtresse d’un puissant royaume,
il se peut que d’Ossat veuille croire ce qu’il désire et se leurre sur mes
chances. N’étant pas d’Église, tu jugeras plus clair.
    — Sire, vous en écrirai-je ?
    — Pas une ligne. Tu me dépêcheras
M. de La Surie et tout se dira de bec à bec de lui à moi.
Toi-même, à ton départir, tu ne seras porteur que d’une lettre de la reine
Louise à l’abbé d’Ossat.
    — La reine Louise ? dis-je en ouvrant de grands
yeux.
    — Sache, Barbu, que la reine Louise, depuis la mort
d’Henri Troisième, demande au pape la réhabilitation de son défunt mari dont
l’âme est toujours sous le coup de l’excommunication papale. Dans l’apparence
des choses, l’abbé d’Ossat ne demeure à Rome que pour défendre les intérêts de
la reine. L’abbé, poursuivit-il avec un sourire très connivent, n’est nullement
chargé des miens. Ainsi peut-il voir le pape aussi souvent qu’il y a appétit
sans donner de l’ombrage aux cardinaux espagnols.
    — Je dirais, Sire, que c’est là une très vaticane
astuce.
    — Astuce dont tu verras à Rome plus d’une

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