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La pique du jour

La pique du jour

Titel: La pique du jour Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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franchise,
une bouche qui annonçait de la bonté, et d’admirables cheveux blonds, abondants
et bouclés, où l’on eût aimé fourrager tendrement des deux mains.
    — Ha ! Monsieur ! me dit-elle, dès quelle
m’eut donné sa main à baiser, laquelle était douce, potelée et très petite, que
je vous sais gré d’avoir répondu si vite à mon appel ! Et d’autant,
ajouta-t-elle à sa façon primesautière, que je vous ai vu fort peu souvent pendant
le siège, sauf pour m’envitailler, car vous étiez alors trop assidu chez Madame
ma bien-aimée belle-mère pour condescendre à me venir visiter. Mais, Marquis,
prenez place, de grâce, je ne saurais vous entretenir debout.
    Je m’inclinai derechef en m’avisant en mon for que la femme
en ce discours paraissait l’emporter sur la duchesse, puisqu’elle me mettait
d’entrée de jeu dans mon tort – ce qui était adroit, mais trahissait en
même temps quelque jaleuseté de M me  de Nemours –, ce
qui était pour le moins ingénu, je n’allais pas m’asseoir sur le cancan qu’elle
me désignait, mais saisissant d’une main un de ces tabourets où nos dames
aiment à reposer leurs gambes, je le portai quasiment à l’aplomb du vertugadin
de M me  de Guise, et m’assis à ses pieds, avec tout ensemble
une effronterie et une humilité qui l’exagitèrent, à ce que je vis, de
sentiments mêlés, lesquels toutefois tournèrent en ma faveur, comme bien j’y
comptais de prime.
    — Madame la Duchesse, dis-je d’une voix basse et
modeste, mais en la baignant de mes regards, je suis, en effet, très
affectionné à M me  de Nemours pour la raison qu’elle requit
de moi des services qui nous mirent l’un et l’autre en affaires davantage
qu’avec vous-même ou M me  de Montpensier. Mais je proteste
que je vous eusse visitée tout aussi souvent, et avec autant de joie (ce disant
mon œil laissait entendre que cette joie eût été plus grande) si vous aviez
fait appel, alors, à mon dévouement. Ma personnelle inclination m’y eût porté
tout autant que mon devoir, sachant bien la grandissime affection que mon
maître nourrit pour vous.
    — Quoi ? Vous l’a-t-il dit ? s’écria la
petite duchesse qui rougit sous l’assaut de mes compliments, ceux-ci s’avançant
comme les gens de pié sous le couvert de la cavalerie du roi.
    — Ha ! Madame ! dis-je, j’ai ouï dire plus
d’une fois à Sa Majesté qu’il n’y a pas une dame à la Cour qu’il aimât
plus que vous.
    — Marquis, est-ce vrai ? s’écria-t-elle au comble
de la joie.
    — Vrai comme l’Évangile, Madame, dis-je. Je vous le
jure sur mon honneur.
    La duchesse s’accoisa alors le temps qu’il lui fallut pour
laper ce petit lait dont toutefois je ne lui baillai pas tout, le roi ayant
ajouté à son portrait une petite touche que je jugeais bon de taire, mais que
je voudrais consigner ici pour le divertissement de mon lecteur :
« Ma bonne cousine, avait dit le roi à cette occasion, avec un fin regard
(M me  de Guise était en effet sa cousine germaine par sa
mère Marguerite de Bourbon) montre en ce qu’elle dit et fait de certaines
naïvetés, lesquelles proviennent plutôt de sa gentillesse et désir de complaire
que de lourderie, niaiserie ou volonté d’offenser, tant est que ces simplicités
mêmes rendent sa compagnie des plus douces et des plus agréables. »
    — Ha ! Monsieur ! reprit la petite duchesse,
encore toute trémulente des éloges du roi, que me plaisent les affectionnées
dispositions de Sa Majesté à mon endroit ! Qu’elles m’assouagent et
me donnent espérance ! Pour ne pas vous le celer plus outre, je me fais un
souci à mes ongles ronger pour mon pauvre aîné Charles qui ne peut qu’il ne
soit mal vu du roi, pour ce que les États Généraux, durant le siège, l’ont élu
roi pour lui faire pièce. Un roi de France élu ! Est-ce là Dieu
possible ! Et sur l’instigation, je devrais dire sur l’injonction, du duc
de Feria et du légat du pape ! Un Espagnol ! Un Italien ! Cela
n’est-il pas beau ? Monsieur mon fils, lui ai-je dit, si vous consentez à
ce que ces sottards de Parisiens vous appellent « Sire », de ma vie
je ne vous reverrai ! Un roi de France élu ! Et par un croupion
d’États Généraux ! Sous l’égide de deux étrangers ! Où est votre
armée, dites-moi ! Où sont vos victoires ? Combien avez-vous de
noblesse derrière vous ? Êtes-vous comme Navarre, un grand

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