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La pique du jour

La pique du jour

Titel: La pique du jour Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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l’Espagnol que sous la très
débonnaire loi d’un souverain dont ils étaient les sujets naturels. La taverne
était quasi vide encore, et m’installant seulet à une table voisine, celle dont
le tavernier m’avait dit qu’elle était la préférée de ces faquins, je plaçai le
gourdin dont je m’étais muni entre mes gambes, de façon à le dissimuler. Le
reste de ma compagnie, qui s’attabla à une autre table derrière moi, chacun
tenant son gourdin caché comme j’avais fait moi-même et le chapeau très rabattu
sur l’œil, comprenait le chevalier de La Surie, le grand et maigrelet
Pissebœuf, le bedondainant Poussevent et enfin, mon majordome Franz et mon
cocher Lachaise, lesquels j’avais préférés à Luc et Thierry, combien qu’ils
fussent bien plus médiocres combattants maugré leur taille géantine, pour la
raison que je ne faisais pas fiance à la raisonnableté de mes pages, pour peu
que l’ivresse du chamaillis leur lâchât la bride.
    Une grosse demi-heure s’écoula avant que nos ligueux
advinssent, laquelle je passai à boire un demi-gobelet en taquinant la
servante, laquelle était une accorte brunette d’une vingtaine d’années dont le
corps de cotte peu étroitement lacé laissait voir l’arrondi d’un tétin.
    — Mamie, lui dis-je égarant ma main légèrement sur ses
arrières, mais en prenant garde toutefois que son maître ne me vît pas,
apporte-moi une deuxième chandelle, je n’y vois goutte.
    —  Ma fé ! dit-elle, comme inattentive à ma
main, craignez-vous que votre gobelet ne trouve pas votre bec ? Et
qu’avez-vous à voir céans ?
    — Mais toi, dis-je sotto voce, et ton coquin
tétin !
    — Benoîte Vierge ! dit-elle en riant, le beau
galant que voilà qui se contente de voir et mange son rôt à la fumée !
    — Mignonne, dis-je, le voir est le frère du toucher. Un
sol pour une deuxième chandelle et un écu pour délacer ton corps de
cotte !
    — Monsieur mon maître, dit-elle, les yeux ronds devant
tant de largesse, gaussez-vous ?
    — Nenni, voici le sol et l’écu, dis-je en les faisant
tintinnabuler sur la table.
    — Las ! dit-elle à voix basse, je ne peux prendre
que le sol qui paye la chandelle : le tavernier est de moi fort jaleux.
Mais pour peu que vous me nommiez l’arbre, la branche et la feuille, l’oiselle
saura bien retrouver l’oiseau, avec ou sans écu.
    Après ce badinage et d’autres chalands survenant en même
temps que nos ligueux, la belle me quitta pour les désassoiffer, mais sans
omettre en catimini en passant près de moi, quelques torsions de torse,
balancements de hanches, tendres souris, conniventes œillades et les mille
autres petits manèges par lesquels ce doux sexe est accoutumé à appâter le
nôtre.
    À la parfin les gautiers que nous espérions advinrent,
lesquels s’attablèrent quasi devant moi, au nombre de sept : gens, à ce
que j’augurai, à leur vêture et dégaine, de basoche et de boutique, portraits
crachés et raqués de ces Seize qui, ayant chassé Henri Troisième de sa
capitale, étaient montés, comme l’écume dont ils avaient la consistance,
jusqu’à l’ambition de commander Paris, voire même le royaume avec l’appui des
prêchaillons et de l’Espagnol, les fols s’imaginant que Philippe II,
mettant la main sur la France, les eût soufferts plus du quart d’une minute à
la tête des affaires ; grands chattemites au surplus, qui faisant trotter
devant eux la prétendue défense de la religion contre l’hérésie, n’appétaient,
dans la réalité des choses, qu’aux places et aux pécunes, devrais-je dire
plutôt aux doublons dont l’Espagnol n’était pas chiche pour acheter ces
créatures. Et que je le dise tout net à la parfin, traîtres, oui-da !
fieffés traîtres ! À qui Henri Quatrième avait noblement pardonné après la
prise de Paris et qui, ayant naturellement l’âme basse, le haïssaient à
proportion de sa clémence, se réjouissaient de son malheur et croyaient le
moment venu de fonder une nouvelle fortune sur les débris de la France.
    Ces sottards étaient assis à une table rectangulaire, trois
faisant face à trois, et un gros gautier à gros cou (lequel me parut promis à
une cravate de chanvre) se trouvait assis au haut bout de la petite table, et
sourcillant, la lèvre arrogante, la face écarlate et le verbe haut, exerçait,
ou assumait, une sorte d’autorité sur ses compagnons. J’observais qu’il
portait, en plus d’un fort

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