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La pique du jour

La pique du jour

Titel: La pique du jour Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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il serait attaqué, et un autre à
Biron et à Montigny pour leur dire d’accourir avec quelque autre troupe de
cavalerie légère. Tant est qu’à leur advenue, le roi se trouva fort de cent
cinquante carabins et de deux cents chevaux tant de cavalerie légère que de la
noblesse qui l’avait rejoint. Et comme Montigny lui faisait remarquer que
c’était peu, le roi lui dit :
    — C’est assez pour reconnaître jusqu’où ces gens-là ont
reconnu.
    Car alors il ne pensait pas avoir à combattre, pour la
raison que le tohu-vabohu et remue-ménage de notre armée se mettant en état
d’alerte avaient fait tant de noise et vacarme que Henri s’attendait à ne plus
trouver la queue d’un Espagnol en arrivant à Quirieu. Mais c’était compter sans
la légendaire lenteur de l’ennemi, laquelle fut cause en ce siècle de tous ses
déboires, et sur mer et sur terre.
    — N’est-il pas proprement incrédible, dit Montigny
après l’attaque, qu’Amiens prise, ils aient attendu cinq mois pour la secourir,
donnant à Henri le temps de ranimer les courages, de racler les pécunes et de
rassembler une puissante armée !
    Il disait vrai, car lents à attaquer, lents à exploiter
leurs avantages, lents à venir reconnaître nos positions, ils ne furent pas
moins lents, une fois qu’ils les eurent reconnues, à se retirer. Lecteur, ois
bien ceci, qu’on a peine à imaginer : entre le moment où le carabin que
j’ai dit les reconnut, et le moment où le roi et sa faible troupe atteignirent
Quirieu, une grosse heure s’écoula et, à notre advenue, ils étaient encore
là !…
    — Ventre Saint-Gris ! dit le roi, ils ont été bien
paresseux à se retirer, étant si proches d’une armée aussi éveillée que la
nôtre !
    Et aussitôt, sur le chaud du moment, se trouvant lui-même
tant vif que les Espagnols étaient lents, il leur tomba sus comme la foudre.
Croyant avoir affaire à toute l’armée française, et de reste, à ce que dirent
plus tard les prisonniers, ayant reconnu le roi à son panache et ne pouvant imaginer
qu’il les attaquât avec une troupe aussi faible, ils tournèrent bride et le roi
les courut jusqu’à Encre où, ayant à passer un ruisseau, ils furent rattrapés
par les carabins, lesquels, se sentant soutenus par le roi, et lui voulant
prouver qu’ils étaient bons à autre chose qu’à la maraude, les engagèrent à la
fureur et firent peu de quartier à ceux qui, n’étant pas des mieux montés, ne
passèrent pas le ruisseau à temps.
    Cette action changeant la prompte retraite de l’ennemi en
déroute, il se rompit et s’égailla, poursuivi à brides avalées par le roi qui
les courut jusqu’à une lieue de Bapaume, et ne s’en revint qu’il n’eût mis hors
de combat cinq cents cavaliers, tant morts que prisonniers. Et encore ne fut-ce
là pour l’Espagnol qu’une partie de ses pertes, les paysans, mus par l’appât
d’une bonne picorée, ayant pourchassé et massacré les éclopés et les navrés qui
s’étaient réfugiés dans les bois.
    Si fort que j’admire la vivacité des nôtres, qui les avait
si bien servis dans cette affaire, je crains toutefois qu’elle ne comporte, en
contrepartie, une sorte de légèreté que je ne fus pas sans observer, quand
j’assistai, sans y participer, au conseil de guerre qui, dans la tente du roi,
suivit ce brillant combat. Il y avait là le connétable de Montmorency, le
maréchal de Biron, M. de Montigny, le joli et sémillant Saint-Luc qui
était le grand maître de notre artillerie, et je le mentionne en dernier, bien
qu’il ne fût pas le moindre, le duc de Mayenne, lequel, rallié au roi, pardonné
et pensionné par lui, le servait loyalement depuis l’absolution du pape, moins
se peut à cause d’elle qu’en raison du dégoût que l’alliance peu sûre de
Philippe II lui avait inspirée : service qui n’était pas négligeable
au roi, Mayenne, maugré qu’il fût goutteux, podagre et bedondainant, s’avérant
à la guerre un habile capitaine, point tant impétueux que Biron, mais rusé et
prudent.
    Le roi ayant quis de ces Messieurs ce que chacun augurait de
la poursuite des opérations, Biron, toujours piaffard et paonnant, prit la
parole le premier – avant même le connétable – et sur le ton de la
plus arrogante certitude, s’écria, le sourcil levé et la voix
claironnante :
    — Tudieu, Sire ! M’est avis que nous avons taillé
de telles croupières à l’Espagnol qu’il ne reviendra pas

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