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La pique du jour

La pique du jour

Titel: La pique du jour Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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qui meshui
gouverne les charges ? Et sommes-nous commandés céans par le con d’une
garce ?
    Le connétable, parce qu’il était vieil et bien avisé, et
Mayenne, parce qu’il était trop récemment rallié, n’allèrent pas au-delà de la
moue et de la grise mine. Quant à M. de Rosny, il se contenta de dire
avec un sourire du coin du bec :
    — Voilà un grand artilleur qui ne descendra pas souvent
dans les tranchées. Et une femme qui, tant plus on lui baille, tant plus elle
demande…
    Dans l’après-midi, l’aimable objet de cette grande groigne
me fit appeler dans cette « tente dorée » qui eût beaucoup moins
irrité Biron, si elle avait servi d’écrin à la naute dame en l’honneur de
laquelle il avait donné son grand bal en mars.
    J’attendis quelques minutes dans une sorte d’antichambre
ménagée à l’entrant, prêtant l’oreille à travers la toile qui me séparait de
lui au gazouillis des femmes qui servaient Gabrielle, et j’observai non sans
quelque ébaudissement, que les « Madame la Duchesse » surgissaient
dans ce grand caquetage tous les deux ou trois mots.
    — Ha, Monsieur de Siorac ! dit Gabrielle quand je
lui eus baisé la main en me génuflexant devant elle, que je suis aise de vous
dire de vif bec les millions de mercis que je vous dois pour m’avoir si bien
servie dans l’achat de Beaufort, ayant eu ce beau domaine au prix de cent vingt
mille écus, au lieu des cent quarante mille qu’on en demandait de prime.
    — Mais, Madame la Duchesse, dis-je (sentant bien que
son duché lui était trop neuf encore pour qu’elle n’aimât mieux être
« duchessée » plutôt que « madamée »), vous avez eu
l’extrême bonté de m’en écrire jà en Paris, et je suis plus que comblé par la
bonne grâce avec laquelle vous avez désiré répéter de vive voix votre merciement.
    — Mais, Monsieur, dit-elle avec un ravissant sourire,
cela ne me suffit. Je serais bien ingrate si je n’attentais pas de vous servir
à mon tour, pour peu que vous me disiez en quelle capacité, auprès de
Sa Majesté.
    — Madame la Duchesse, dis-je, prenant cette offre,
toute courtoise qu’elle fût, pour eau bénite de Cour, je n’ai rien à demander
au roi que de me continuer la très grande joie de lui être utile.
    — Quoi ! dit-elle avec un petit rire des plus
clairs. Vous n’avez rien à quérir du roi ? Vous seriez bien le seul à la
Cour ! Cherchez bien, Monsieur, en votre remembrance ! Eh bien,
reprit-elle en me voyant intrigué et quasi confus de son insistance, je vais
vous y aider ! Sa Majesté ne vous a-t-elle pas promis dix mille écus,
il y a deux ans, à votre retour de Rome ?
    — Hé, Madame ! dis-je béant, c’est la vérité
nue ! Mais de qui la tenez-vous ?
    — De qui ? dit-elle avec un nouveau rire, sinon de
la duchesse de Guise, laquelle m’en a écrit, comme en passant, dans une
lettre où elle se réjouissait fort pour moi que le roi ait érigé en duché ma
terre de Beaufort. Ha, Monsieur ! reprit-elle, on peut dire que vous avez
là une bien bonne amie, et qui vous aime prou…
    Quoi disant, elle eut un petit sourire qui me donna à penser
que le roi, touchant mes liens avec la duchesse, n’avait pas été avec sa
favorite aussi discret qu’il l’eût dû. Toutefois, la Gabrielle n’en dit pas
plus, une sorte de gouvernante lui étant venue dire que le roi l’allait visiter
dans un petit quart d’heure, je me levai incontinent, et à la brièveté avec laquelle
elle voulut bien me donner mon congé, sans rien décider de ce qui avait été
entre nous débattu, j’entendis qu’elle trouvait ce petit quart d’heure trop
court pour se bien préparer.
    Quand de cette entrevue je contai ma râtelée à mon Miroul bien
loin de prêchi-prêchailler, mi-sérieux et mi-goguelu, comme il faisait à
l’accoutumée, il s’esbouffa à rire.
    —  Ma fé ! te voilà quasiment devenu, mon
Pierre, le favori d’une favorite ! Quant aux pécunes, cornedebœuf, la
caille est à nous ! Du nid au bec ! Et bien à pic ! Car j’ai
reçu hier une lettre-missive de ton majordome m’apprenant qu’il y a, jouxtant
ma seigneurie de La Surie et ton domaine du Chêne Rogneux, une bonne
grand’terre à vendre pour la somme de douze mille écus. En barguignant, je ne doute
pas que nous l’ayons pour dix mille. Pour ce que le vendeur s’est ruiné aux dés
et a banque rompue. Tant est qu’au lieu d’écorner ton patrimoine, comme

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