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La pique du jour

La pique du jour

Titel: La pique du jour Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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que c’est à peine si deux des plus robustes
chambrières purent la porter jusqu’aux pieds de M me  de Montceaux,
laquelle, tirant d’une escarcelle un trousseau de quatre clés étrangement
dentelées, les employa l’une après l’autre, en des serrures distinctes, à
déclore le couvercle.
    Il se rabattit enfin, et, belle lectrice, à défaut de voir
ce que je vis de ces yeux que voilà, oyez ! Ce coffre était divisé en deux
compartiments distincts dont l’un, à mon sentiment, contenait – que
l’enfer sur l’heure m’enfourne si je mens ! – une bonne centaine de
diamants et l’autre, un bon millier de perles ! Ventre
Saint-Antoine ! De quel Orient brillaient ces perles ! Et que de feux
jetaient ces diamants mis à tas !
    — Choisissez, dit la Gabrielle.
    — Hé, Madame !
    — Choisissez, Monsieur ! dit la Gabrielle, de
l’air de quelqu’un qui veut être obéi.
    C’eût été faire, je crois, injure à la libéralité de la dame
de préférer une perle à un diamant et, à mon sentiment, c’eût été tout aussi
disconvenable de se contenter chichement du diamant le plus petit que de mettre
indélicatement la patte sur le plus gros. J’optai donc pour le moyen terme.
    — Celui-là ? dis-je en levant un sourcil.
    — Va pour celui-là, dit la Gabrielle rondement, il est
beau assez pour une duchesse.
    Ce mot « duchesse » quelle savoura sur sa petite
langue résonna en moi de si précise guise et évoqua à mon esprit avec une telle
force la dernière marche d’un escalier qui pouvait mener jusqu’au trône, qu’en
prenant congé de la marquise de Montceaux, je lui dis avec un salut devant que
de lui baiser la main :
    — Madame, faites-moi la grâce de croire qu’après que
vous avez apazimé mes scrupules, je suis infiniment honoré de servir une haute dame
qui règne, non seulement sur le roi, mais sur tous ses sujets par son
incomparable beauté.
    À quoi elle rosit un peu, non pas tant du compliment que de
ce « règne » dont, au départir, je l’avais couronnée.
    Le roi fut plus rond, goguelu et expéditif. Et si je m’étais
question posée sur la cassette qui devait payer l’achat de la terre
champenoise – la sienne ou celle pourtant fort grasse de la
Gabrielle –, sa réponse m’ôta d’un doute.
    — Quoi ? dit-il en levant un sourcil, déjà !
Déjà ! Avant qu’Amiens soit prise et que j’aie guerre gagnée ! Et
alors même que je suis si serré en mes pécunes ! Ventre Saint-Gris !
Comme les femmes sont promptes à battre monnaie d’une promesse !
    Et m’apensai-je (ayant toujours sur le cœur, mais non point
dans mon escarcelle, les dix mille écus qu’il m’avait annoncés à mon retour de
ma mission romaine), comme les rois sont peu prompts à promesse tenir !
Mais Henri dut lire cette pensée-là sur ma face, car, me tournant le dos, il me
dit par-dessus son épaule :
    — Et comment la marquise de Montceaux t’a-t-elle
reçu ?
    — Sire, avec une bonne grâce infinie.
    — La voilà bien ! dit-il d’un air content. Douce,
bonne, débonnaire et se faisant aimer de tous.
    — En outre, elle m’a baillé un fort joli diamant pour M me  de Guise.
    — Ce qui t’a ravi, je gage, dit-il en jetant un regard
de côté, et qui ravira davantage ma bonne cousine de Guise. Or sus,
Barbu ! reprit-il d’un ton vif. Il n’y a remède ! Le vin est tiré. Il
le faut boire ! Cours jeter un œil sur cette terre et tâche de l’avoir de
M me  de Guise au meilleur prix.
    — Comment l’entend Votre Majesté ? osai-je dire
alors, mais prenant mon air le plus innocent. Au plus juste prix ou au prix le
plus juste ?
    À quoi, voyant bien que je n’étais pas du tout décidé, en
cette ambassade, à faire tort d’un seul écu à sa « bonne cousine »,
il rit à gueule bec puis, sans répondre, me donna sa main à baiser et, à pas
rapides, saillit de la tente.
    Je laissai La Surie ramener le gros de l’escorte et des
coches vides en Paris et, avec une trentaine d’hommes, je gagnai le Champenois,
et jetai plus d’un œil sur le domaine convoité par notre belle, lequel, dans
l’état de délaissement où je le vis, ne me parut pas valoir plus de cent mille
écus. Toutefois, un notaire de Troyes dont je voulus me couvrir, ayant avancé
qu’à son sentiment ce ne serait pas un mauvais barguin que de l’acheter à cent
vingt mille écus, c’est cette somme que je persuadai ma petite duchesse de
demander. Et

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