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La pique du jour

La pique du jour

Titel: La pique du jour Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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à
faire qu’à vous tomber sus, nous vous faisons la grâce de remettre à plus tard
notre petit chamaillis.
    Ayant dit, suivi de ses coquins (dont pas un, à le voir, ne
valait la hart pour le pendre), il nous fit de son chapeau troué un petit salut
gaussant, et se retira à pas de chat, à reculons, ajoutant in fine :
    —  Messieurs, pour le temps qu’elles vous
resteront dedans le ventre, je vous souhaite de bonnes et chaudes tripes.
    — Et à toi, dit Pissebœuf, deux esteufs entre tes maigres
cuisses, tant que nous ne t’aurons pas escouillé.
    Après ces échanges gracieux (mais les héros de l’ Iliade, tout
grands princes qu’ils fussent, n’étaient pas mieux disants), le rouquin et ses
hommes se rencoignèrent dans le porche latéral à notre dextre, nous laissant
maîtres et seigneurs du portail central. Je laissai mon Pissebœuf au bord le
plus proche d’eux, les pistolets en main et amorcés, afin qu’il prévînt de leur
part un assaut par surprise, et je me résignai à une longue et inquiète
attente, car plus la nuit tombait, et plus les passants devenaient rares, tant
est que je commençais à me dire que l’obscurité faite tout à plein, je ne
distinguerais même plus les couleurs de la livrée des Guise, si l’une d’elles
venait à apparaître.
    Cependant, les truands, dont nous n’étions séparés que par
la courbure dextre du mur de notre porche, demeuraient en leur coin si
parfaitement cois et quiets que la pensée me vint qu’ils se tenaient, tout
comme nous, à l’affût, mais de qui et de quoi, je n’aurais su dire. Cependant,
à me ramentevoir leurs mines, je conclus qu’ils étaient aux aguets de quelque
riche marchand qu’ils voulaient rober. En quoi, tout à trac, j’errais.
    Notre attente dura bien une grosse heure et, la nuit aidant,
nous commencions à nous ensommeiller, quand apparut sur la place, à notre main
senestre, la lumière trémulente d’une torche, puis la torche elle-même, tenue à
bout de bras par un laquais aux couleurs de Guise, lequel, tout courant,
éclairait un gentilhomme qui cheminait derrière lui, d’un pas très vif et
précipiteux, l’épée nue, suivi de deux soldats, eux-mêmes dégainés. Ce qui me
convainquit que les rues de Reims, le soleil couché, n’étaient guère plus sûres
que celles de Paris. Je ne vis pas de prime la face du gentilhomme pour ce que
la petite brume blanche qui stagnait à cet endroit de la place me la dérobait
mais quand il en saillit et dans sa marche rapide se rapprocha de nous, je
l’aperçus fort bien et, béant, je reconnus Péricard, non que ce fût très
étonnant de le voir là, car ayant fidèlement servi Henri de Guise, il
n’était pas pour surprendre qu’il fût devenu le secrétaire de son fils, mais
parce que la dernière fois que je l’aperçus, ce fut à Blois, le jour où son
maître fut assassiné.
    Au même instant que je le reconnus, et fort heureux à l’idée
qu’il saurait mieux que quiconque, nous connaissant, nous mener au prince de
Joinville, Quéribus, fort réveillé, me glissa à l’oreille, d’une voix elle
aussi fort étonnée :
    — Mais c’est Péricard !
    Il ne put en dire davantage, car du porche latéral, à notre
dextre, jaillirent, courant sus audit Péricard, les truands que j’ai dits,
précédés de leur chef roux, brandissant un cotel et huchant à gorge
rompue :
    — Tue, mordieu, tue !
    À ces cris, le laquais jeta sa torche à terre et à toutes
jambes s’enfuit : en quoi il fut mal inspiré car un des vaunéants, se
détachant des autres, le rattrapa et lui coupa la gorge, tandis que Péricard et
les deux soldats, courant eux au mur le plus proche, s’y adossaient et fort
vaillamment faisaient face.
    — Tudieu ! Allons-nous laisser faire ? cria
Quéribus, pour une fois plus prompt que moi, et dégainant, il bondit dans le
dos des assaillants, suivi par deux de ses gentilshommes, par moi-même,
Poussevent et Pissebœuf à qui je criai :
    — Pissebœuf, la torche !
    Ordre qu’il comprit à mi-mot, pour ce qu’il dépêcha le
truand qui avait occis le laquais et ramassa la torche dont il usa à la fois
pour nous éclairer et pour assommer et brûler ceux qu’il trouvait devant lui.
    Les truands étaient si échauffés à la curée qu’aucun ne
consentit à tourner bride quand nous arrivâmes à rescous, et il s’ensuivit un
chamaillis traîtreux d’épées, de dagues et de cotels qui dura bien cinq grosses
minutes avant

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