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La pique du jour

La pique du jour

Titel: La pique du jour Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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de mon ire que c’est à peine si j’avais encore l’usance de mes yeux
pour saillir hors la pièce. Cependant, alors que je marchais à pas de charge
vers l’huis de l’étage dans une galerie obscure assez, j’ouïs des pas pressés
derrière moi et, me retournant tout à trac, mes dagues au poing, je me trouvai
bec à bec avec la Louison qui me dit :
    — Hé, Monsieur ! Me voulez-vous navrer ? Que
vous ai-je fait ?
    — Ha ! ma Louison ! dis-je en rengainant.
Toi, rien que de bon. Et ta maîtresse, rien que de mal, laquelle, je le
jurerais sur mon salut, est la plus hypocritesse et chattemitesse drola de la
création.
    — Ha ! Monsieur, j’ai tout ouï derrière la porte,
dit Louison, en me poussant dans sa chambrifime dont elle clouit l’huis au
verrou derrière nous en un tournemain. Et la pécore est bien pis que cela.
Vramy, une démone incharnée !
    — Incarnée, Louison.
    — C’est du pareil au même, dit-elle avec aplomb, à
votre prononciation près, laquelle doit être fautive, étant d’oc. Quant à
Madame, pendant que vous étiez à l’étage au-dessus à tâcher de rassembler vos
bagues, savez-vous à quoi elle s’occupait ? De prime à compter ses écus,
ensuite à composer une sanglotante épitaphe pour le cœur de son mari, lequel elle
désire bailler à part en relique à l’église de Mézières ! La belle
relique ! Et la belle bigote ! Monsieur, croyez-moi ! Il n’y a
pas à se fier à sa face de vitrail ! Elle est toute grimace et
faux-semblant, tout dessus et rien dessous, hormis la froidure du cœur et
l’appétit aux pécunes. Car la chiche-face ne baille rien à personne, ni
gratitude à vous, ni à moi mes gages. Elle n’aime rien tant que son petit
cabinet ! voilà le vrai ! Ha ! Monsieur ! poursuivit la
Louison, je vous avais bien dit de ne pas mettre le doigt dans ces
confitures-là ! La friponne vous a bien englué dans ses toiles avec ses
yeux fondus et ses serrements de pattes ! Et cela vous fait de présent une
belle gambe de lui avoir tant léché le pié ! Que vous voilà maintenant couillasse
comme devant ! Et payé en Carolus au lieu des beaux Henricus que vous attendiez ! Or sus ! Venez-là, Monsieur, que je vous
conforte, n’étant point impiteuse. Duchesse point ne suis, ni maréchale, ni
bigote mais ayant moi aussi un service à quérir de vous, je m’en va, moi, vous
payer sur l’heure, et comptant, et d’avance.
    À cela je ne pus rien répliquer, sa bouche étant jà dans la
mienne et nos périssables corps si bien emmêlés sur la coite que je ne
reconnaissais le mien qu’au plaisir qu’il me donnait lequel, fut en effet,
immensément confortant dans les dents de ma déconvenue. Quant au susdit
service, la Saint-Paul ayant congédié ma Louison sans lui payer ses gages, il
n’était que de l’emmener avec moi en Paris et la prendre pour chambrière. Ce
que je fis cornedebœuf ! Qui qu’en groignât ! Et vous pensez bien,
lecteur, que M. de La Surie aligna là-contre de fort bonnes
raisons, et aussi vives et picagnantes que des puces dans l’oreille d’un chien.

 
CHAPITRE IV
    Le lendemain, fidèle à ma promesse (tenue les dents serrées),
j’escortai la dame jusqu’à Mézières, et encore que l’hypocritesse fît quand et
quand la gracieuse à la fenêtre de sa coche, elle n’eut rien de moi, ni mot, ni
miette, ni regard, ni adieu au départir, lequel se fit sous les murs de la
ville, sans que je consentisse à mettre le bout du pié dans le repaire où la
serpente s’allait d’ores en avant lover, enserrant dans ses anneaux son petit
cabinet.
    Pour moi, ne voulant pas apparaître à Laon (que le roi
assiégeait toujours) avec une garce dans mon escorte – ce qui eût fait
jaser et gausser la Cour – je décidai de gagner de prime Paris, où dès que
nous fûmes dedans mon logis de la rue du Champ Fleuri, buvant des coupes au
débotté et mangeant un morcel, ma Guillemette venant à moi, petite et frétillante
de la fesse au tétin, tout soudain aperçut Louison et s’arrêta net, tout de gob
découvrant ses petits crocs.
    — Qu’est cela ? dit-elle, le museau froncé.
    — Tu le vois bien, dis-je. Une garce.
    — Et d’où sort-elle ?
    — De Reims, d’où je l’ai céans amenée, pour être ma
chambrière.
    — Rien n’en vaut, dit Guillemette. Elle est votre
putain.
    — Guillemette, dis-je en sourcillant, un mot de plus et
je te fais fouetter devant toute l’escorte, et le

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