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La pique du jour

La pique du jour

Titel: La pique du jour Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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élégante qu’en sa vingtième année. Doña Clara départie,
n’avez-vous point regret de n’avoir pas cueilli ce fruit, quand il s’offrait à
votre main ? Après tout, il était fort beau.
    — Nenni, Miroul, nul regret, la châtaigne m’ayant piqué
les doigts.
    — Sans doute êtes-vous apensé, Monsieur, comme
Théocrite, que mieux vaut traire la vache la plus proche que courre après celle
qui s’enfuit.
    — Fi donc, Miroul ! Parler ainsi d’une
femme !
    — N’est-ce pas, cependant, pitié de perdre une
occasion ?
    — Toute vie en est pavée.
    — Cornedebœuf ! dit Miroul en riant. Que voilà une
pensée plaisante ! Et qui vous rebiscoule un homme !
    Je me ramentois que lorsque nous arrivâmes sous les murs de
Laon, la nuit était jà depuis longtemps tombée, et quasiment la première
personne que j’encontrai dans le camp fut M. de Rosny, lequel me fit
un accueil plus chaleureux qu’il n’était accoutumé, se voulant le premier à la
Cour après le roi, lequel, à vrai dire, il servait depuis vingt ans avec
beaucoup d’adresse et de dévouement.
    — Ha ! Siorac, me dit-il, sans toutefois me donner
une forte brassée, le huguenot en lui répugnant à ces cajoleries de Cour, que
je suis aise de vous voir céans ! Le bruit court que Mayenne et les
Espagnols de Mansfeld vont incessamment nous tomber sus, soit pour nous
défaire, soit à tout le moins pour nous contraindre à lever le siège de Laon.
Ventre Saint-Antoine ! Nous aurons alors grand besoin de vaillants hommes
comme vous, qui serez, j’y compte bien, consentants à servir derechef sous moi,
comme à la bataille d’Ivry.
    — Monsieur de Rosny, dis-je, rien ne saurait m’agréer
davantage, me ramentevant quelle glorieuse part vous avez prise alors à la
victoire, compliment qui lui alla dret au cœur, nul n’étant à la Cour plus
paonnant que lui. (Je le dis sans rien rabattre de ses hautes vertus.) Monsieur
de Rosny, poursuivis-je, vous me voyez bien marri pour ce que je reviens de
Reims, les joues gonflées de nouvelles, et le roi, étant sans nul doute au lit,
ne pourra m’ouïr avant demain.
    — Cela n’est pas à dire, dit Rosny avec un
sourire : le roi est un soldat et si habitué à la vigilance qu’il
s’ensommeille et se désommeille à volonté. Tant est qu’il n’est pas de nuit où
il ne se réveille d’un coup et va revisiter les tranchées et les batteries.
    Il disait vrai, car à peine Quéribus et moi avions-nous fini
sous la tente notre repue, qu’un petit page vint me quérir, tout courant, à la
nuit noire, pour me mener au roi, que je trouvai se remettant au lit, ayant
sailli hors, une heure avant, pour aller inspecter une mine à laquelle il avait
donné ordre de labourer nuitamment, afin que les assiégés ne pussent voir la
terre que l’on retirait du tunnel.
    — Ha ! Barbu ! me dit-il en me donnant à
baiser sa main (laquelle sentait l’ail), ton advenue céans est un sourire de la
Fortune ! Holà, page ! un carreau ! vite ! Au chevet de mon
lit ! Pour le Marquis de Siorac !
    Ledit carreau n’était pas assurément de trop, car le sol de
la tente se trouvait caillouteux et sans le carreau, fait de bonne bourre
revêtu de satin cramoisi, mes genoux eussent beaucoup pâti. Quant au lit, comme
se peut on s’en ramentoit, la pompe royale ne s’y montrait guère, étant composé
de deux paillasses posées l’une sur l’autre, lesquelles deux planches jointes
isolaient de l’humidité de la terre.
    — Eh bien, Barbu ! dit le roi avec sa coutumière
gaieté gaillarde et goguenarde, qu’en est-il de mon cousin le duc de Guise
et de Saint-Paul ?
    Je lui en dis alors ma râtelée, lui en faisant un récit vif
et concis, mais sans omettre, toutefois, d’aucuns détails que je cuidais le
devoir ébaudir comme mon final repoussis par M me  de Saint-Paul,
lequel, en effet, le fit s’esbouffer à gorge rompue.
    — Ha ! Barbu ! me dit-il, conforte-toi en
cette pensée qu’il en est de cette guerre comme de l’autre ; on n’y peut pas
gagner toujours, on y perd même souvent assez, ayant affaire à un adversaire
qui se donne le droit de ne pas tenir ses promesses, pour ce qu’il les a faites
non par écrit, ni même par paroles articulées, mais par un regard, un sourire,
une moue, un battement de paupières ou un serrement de mains – lesquels,
ensuite, il peut toujours nier avoir eu le sens que nous y avons lu. Quel
homme, reprit-il avec un soupir,

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